Le Mythe de Rama ou le chemin qui a du cœur.
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Les fêtes de Deepavali se tiennent chaque année en Inde aux environs d’octobre pour célébrer la victoire de la Lumière sur les ténèbres. Les lampes allumées devant chaque maison annoncent le retour triomphal de Rama dans la cité sainte d’Ayodhya. Rama et Sita se tiennent au cœur de l’inconscient collectif des Hindous, mais c’est en chacun de nous que se déroule ce drame éternel. Pour faire une conclusion ouverte je pourrais me demander comment en tant que chrétien, c’est à dire un homme à qui on a appris que Dieu est entré définitivement dans l’Histoire avec le Christ, je puis me situer envers le mythe de Ram. Le Christ n’a aucune place dans la manifestation des 10 Avatars de Vishnou contrairement à Bouddha. Pourtant les Hindous Le reconnaissent comme Avatar tout en étant très défensifs par rapport au prosélytisme chrétien.

Ram désigne pour moi simplement la Réalité. La Réalité est contenue dans toute la vie et le ministère du Christ ainsi que dans son retour parousiaque. Pour le Réalisé, le Christ est déjà revenu car mort au monde des dualités, il anticipe la fin du monde. Father Bede Griffiths dans la conclusion de son livre "Expérience chrétienne et mystique Hindoue" donne une définition indéfinie ou universelle du christianisme dans lequel un chercheur spirituel avancé de notre temps peut se reconnaître et il brosse un tableau sans concession de cette époque aussi : "La construction de l'Eglise, en tant que manifestation dans l'histoire de la Présence de Dieu en l'homme, est donc l’œuvre de toute l'humanité. L'Hindou, le Bouddhiste, le Musulman, le philosophe, l'humaniste, le scientifique, ont tous quelque chose à donner et quelque chose à recevoir. Le Chrétien, quelle que soit son église, ne peut prétendre avoir le monopole de la Vérité. Tous sont pèlerins en quête de Vérité, de Réalité, de Plénitude finale. Mais il nous faut reconnaître que cette Vérité demeurera toujours au-delà de notre entendement. Aucune science aucune philosophie, aucune théologie, ne pourra jamais enfermer la Vérité. Aucune poésie, aucun art, aucune institution humaine, ne pourra jamais totalement l'incarner. Les grands mythes ne sont que des reflets dans l'imaginaire humain du Mystère transcendant. Le mythe du Christ lui-même appartient encore au monde des signes. Or il nous faut aller au-delà du mythe, au Mystère lui-même, au-delà du mot, de la pensée, de la vie et de la mort. Car le Mystère ultime ne peut être connu que par le passage, par la mort. "Vous êtes morts, mais votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu : Quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi serez manifestés avec lui pleins de gloire." Colossiens 3.3"

Tous les totalitarismes, tous les impérialismes et toutes les mondialisations dont l'Eglise romaine a été le modèle en son temps sont porteurs en germe de barbarie car l'Unité ne peut pas s'imposer autrement que par la Vérité intérieure. Aujourd'hui on cherche à l'imposer par les moyens les plus grossiers que sont la technologie, la marchandisation du monde et de l'homme. L'homme peut-il encore entendre les avertissements des sages ?

Bede Griffiths nous invite à une conversion des cœurs. "Jésus quitta ses disciples en leur laissant l’espoir qu’il apparaîtrait de nouveau pour mettre un terme à ce monde. Cette situation est encore celle que nous vivons. Jamais à aucun autre moment de son histoire le monde n’a été aussi proche de sa destruction. Il existe des forces capables de détruire toute vie sur la planète, et ceux qui les contrôlent sont hors de la portée de l’homme commun. Le monde occidental peut encore changer, ou du moins un certain nombre d’hommes peuvent amorcer un changement, une "métanoïa", un changement du cœur, et orienter le monde vers une autre direction, où se retrouveront mariés, unis l’Orient et l’Occident."

Il ajoute ceci qui nous paraît fondamental pour qu’on ne réduise par notre démarche à un trop superficiel syncrétisme qui serait, encore une fois, l’addition des mythes ou leur panachage. "Mais il ne peut être question, là non plus d’une réelle finalité. Notre destin n’est pas de ce monde et il nous faut être prêt à passer par delà la mort. Nous devons mourir à ce monde à tout ce qu’il contient, à tout ce qui change et passe pour trouver la réalité qui ne change et ne passe. Il nous faut aller au-delà des mots, des images et des concepts. Aucune vision de l’imagination ni aucun canevas conceptuel ne correspondent à la grande Réalité. Quand le Christ apparaîtra dans Sa gloire, ce ne sera sous aucune forme terrestre, ni d’aucune autre manière imaginable. " Car nous voyons à présent dans un miroir, en énigmes, mais alors ce sera face à face " et nous n’apparaîtrons dans la gloire que lorsque que nous serons morts à nous-mêmes et serons devenus une créature nouvelle. Seulement alors découvrirons-nous la plénitude de la Vérité et de la Réalité, celle de la sagesse et de la Connaissance, de la Béatitude et de l’Amour. Et enfin pourra être célébrée l’union ultime, celle de l’Orient et de l’Occident, de l’homme et de la femme, de la matière et de l’esprit, du temps et de l’éternité."

Cette conclusion du père s’achève par la citation du pape Jean-Paul II que certains connaissent bien, phrase dite à Istanbul en 1979. "Il nous faut apprendre à respirer de nouveau pleinement à deux poumons le poumon occidental et le poumon oriental."

La respiration complète se situe cependant au delà de toute construction d’église Institutionnelle comme disait la Mère de Pondichéry : "La spiritualité est beaucoup plus vaste qu’une Eglise et tant que vous limiterez à une Eglise ou à une religion la réalisation spirituelle, vous serez en plein Mensonge." La Mère peut aussi nous permettre de conclure sur la question de la guerre des sexes et des races car elle souligne le mélange des principes obtenus à la fin de ce cycle, ce qui met à jour l’absurdité archaïque de toutes les volontés politiques de race pure ou de séparation des sexes qui ont endeuillé l’Histoire du XXème siècle. Nous n’avons pas voulu nous étendre ici sur le piratage du mythe Aryen par les Nazis allemands et les fascistes italiens. "J’ai toujours entendu dire (je ne sais pas si c’est vrai) que les hommes pensent d’une certaine manière et les femmes pensent d’une autre. Au point de vue extérieur, ce n’est pas visible mais peut être que l’attitude, l’attitude mentale est différente. L’attitude mentale du côté Prakriti, c’est toujours l’action, toujours l’action ; L’attitude mentale du côté Pourousha, c’est la conception, la vision d’ensemble, et la constatation aussi, comme s’il observait ce que Prakriti a fait et qu’il voyait comment c’est fait…/… Alors naturellement il n’y a pas d’homme (ici sur la terre) pas d’homme qui soit exclusivement masculin ; il n’y a pas de femme exclusivement féminine, parce que tout cela a été mélangé et remélangé. De même je ne pense pas qu’il y ait une seule race qui soit absolument pure, tout cela est fini, mélangé ( c’est une autre façon de recréer l’Unité)…./….Si l’on regarde les individus de chaque nation, dans chaque nation il y a de tout, mais avec le souvenir d’une spécialité qui a été sa raison d’être dans le déploiement terrestre." Agenda 29/07/1967.


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