Le motif central de la marque
dimanche 21 janvier 2007

par Bayazid


Cet article fait partie d’un dossier intitulé : Le mystère d’une marque au "Quatre de Chiffre"
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Observons la structure du motif central de la marque.

Ce motif central, placé au centre du cœur qui forme l’écusson, structure l’espace de l’ensemble du blason.
Il s’agit d’abord d’une représentation géographique de cet espace : on imagine presque les points cardinaux. L’axe central étant le méridien nord-sud (il a peut-être aussi désigné l’heure de midi s’il fût utilisé en cadran solaire comme je le suppose), les deux pointes opposées des 4 indiqueraient alors l’Est et l’Ouest, et permettraient accessoirement au cadran de donner les heures de 10h (à gauche) et de deux heures (à droite).
Cette disposition des deux 4 permet de mettre en valeur de façon symétrique les deux parties du blason que l’on peut ainsi visualiser comme un livre ouvert...
De chaque côté, comme en miroir, tout est quasi-symétrique, non pas face à face, mais de haut en bas et de bas en haut.

On voit tout de suite que cette topologie va nous permettre de déceler les nombreux contenus symboliques liés aux quatre points cardinaux, à la notion de haut et de bas, de gauche et de droite.

Comment ne pas évoquer le chrisme constantinien ?


Chrisme
Alpha majuscule

Le chrisme, qui apparaît très tôt dans les monuments chrétiens, superpose les lettres grecques X (khi) et P(rhô), les deux premières du mot Christ. Aux branches du X sont souvent accrochées les lettres "alpha" et "oméga" pour signifier que le Christ est au principe et au terme de la création.
Le Chrisme évoque donc le commencement et la fin, l’origine et la finalité de toute chose, la puissance du Christ sur toutes choses.

Le quatre de Chiffre a souvent été comparé au chrisme. René Guénon, notamment, nous rappelle que lorsque le triangle du Quatre est placé à droite de l’axe (c’est le cas de notre deuxième 4), cette similitude est frappante :

« L’axe vertical du 4 formant ainsi, "l’Axe du monde" et la boucle du 4 à droite, l’œil de l’aiguille, son chas, ou encore : "la porte étroite" ! C’est le passage obligé pour être délivré des liens de l’existence manifestée. » [1]

Eglise de Coll, en Catalogne

L’originalité de la marque de Mirepoix tient dans le fait que l’Alpha et l’Omega y sont représentés, non pas de chaque côté de l’axe central, mais sur l’axe central !
Vous pouvez les voir en vert sur le schéma.

Le « triangle » qui figure sous le premier quatre est une représentation de l’alpha en majuscule.

Sur notre marque, cet alpha est aussi une façon de présenter l’équerre et le compas, les outils - réels et symboliques - du compagnon (voir au chapitre suivant).

Quant à l’Omega, il figure en bas de l’axe central, dans une représentation ornementée en feuille de chêne. Il est calligraphié sous la forme minuscule, mais on le voit souvent associé à l’Alpha majuscule de cette façon, comme en témoigne le chrisme de l’église de Coll, en Catalogne.

L’Omega placé ainsi dans le bas du blason figure aussi une sorte d’ancre marine symbole d’Espérance [2].

Il constitue la troisième vertu théologale évoquée dans le blason (on peut considérer que les signes IHS-Jésus et MA-Marie représentent la Foi, la forme de cœur de l’écusson central évoquant la Charité).

L’évocation du Christ, commencement et fin, et celle des trois vertus théologales, est encore renforcée par les petites croix qui prolongent les barres horizontales de nos deux 4, et les branches de notre motif Alpha central.

Les petites croix ornementales

Cet usage était d’origine italienne, selon Paul Delalain (opus cit.), et il visait bien à sursignifier le thème de la croix. Il est employé dans de nombreuses marques d’imprimeurs.
Dans notre marque, les petites croix terminales sont tréflées.

Croix tréflée
Marque de Rembolt
Libraire (1491-1518)

Les formes particulières de ces petites croix terminales sont très variées dans les marques au Quatre de Chiffre. Elles s’inspirent de la chevalerie et des différentes croix templières. Cette inspiration s’explique peut-être par le fait qu’il y avait un lien étroit entre Compagnonnages et Chevalerie au Moyen-Age. Les uns et les autres travaillaient parfois ensemble, et les compagnonnages étaient à l’origine « d’ordres artisanaux » tout à fait comparables aux ordres monastiques ou chevaleresques. Cela pourrait expliquer ces emprunts stylistiques ? [3]

En résumé, notre signe de Mirepoix paraît être une sorte de chrisme « verticalisé », toute sa symbolique étant « ramassée » sur l’axe central.

A cette « verticalisation » s’ajoute l’idée d’équivalence entre le haut et le bas, puisque de chaque côté de l’axe, qu’on le remonte ou qu’on le descende, on rencontre la même succession de figures....
On pourrait en déduire que l’idée de commencement et de fin (l’alpha et l’oméga) se rapporte ici à la relation ciel-terre, avec une équivalence complète entre la direction haut-bas et la direction bas-haut.

Cette idée visuelle me fait penser à l’Evangile de Jean (Saint Patron des imprimeurs), qui est, plus que les autres, l’Evangile de l’Incarnation.
Chez Jean, l’incarnation suppose que la parole de Jésus est directement Parole de l’Esprit. Le Baptême dans l’Esprit Saint est attendu, non pas de Dieu directement, mais de son Élu sur qui l’Esprit demeure [4].

Dans l’Evangile de Jean, Jésus se présente comme l’unique médiateur de la révélation d’en haut (Jean 6,63), parole qui a semblé dure, impossible à entendre à certains de ses disciples (Hallaj, le mystique de Bagdad, fut condamné par les Chiites, rejeté par ses amis soufis et finalement décapité pour avoir osé dire « Ana al Haqq » je suis la Vérité).

À ce scandale, Jésus répond en précisant les conditions d’accueil de sa parole : tant qu’elle sera reçue au niveau de la chair, comme n’importe quelle parole humaine, l’homme de chair n’en tirera rien. Mais si l’auditeur laisse travailler en lui la force vivifiante du Pneuma, la parole de Jésus accueillie dans la foi le fera vivre dans l’Esprit. Et il suivra la voie ascensionnelle décrite par notre marque au « Quatre de chiffre »...

L’axe de notre marque décrit l’incarnation du Christ et son retour au ciel lors de sa glorification. Mais il décrit aussi le parcours ascensionnel possible de l’homme, de son vivant : s’il laisse travailler en lui la force vivifiante du Pneuma, la parole de Jésus accueillie dans la foi le fera vivre la Vie de l’Esprit.

Il peut paraître exagéré à première vue de tirer d’une marque au « Quatre de Chiffre » des considérations spirituelles de cette nature !

Il faut alors se souvenir, d’abord de la spiritualité intense qui animait déjà les compagnons au Moyen-Age, et ensuite de la place des premiers libraires et imprimeurs dans la connaissance de la Bible et des Evangiles dont ils ont permis la reproduction à grande échelle. Ils vivaient en intimité avec les Ecritures, et donnaient ainsi à voir et non plus seulement à entendre la Parole !

Mais n’enfermons pas le « Quatre de Chiffre » de Mirepoix dans sa seule verticalité, fût-elle primordiale : c’est tout l’espace qu’il désigne. L’aspect « horizontal » de la marque est donné par les deux 4, l’un figurant à l’endroit, l’autre à l’envers, l’un indiquant l’Orient, l’autre l’Occident, l’un indiquant « le Souffle de l’Esprit », l’autre « l’Eau Vive » de la Parole.

C’est ce que je vous invite à découvrir désormais en regardant de plus près la signification du Chiffre Quatre dans le blason...

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Pour consulter le forum lié à cet article

Bayazid

 

 Le chrisme provient du site : http://datavenir.com/.
 L’alpha majuscule provient du site : http://paroisse.dominicains.com/.
 Le chrisme provenant d’une église catalane est tiré du site : http://architecture.relig.free.fr/.
 La croix tréflée rouge provient du site : http://www.templiers.net/.
 La marque de Rembolt provient du site : http://www.prismeshebdo.com/.


[1« Le Quatre de Chiffre » in Etudes Traditionnelles de juin 1948

[2« Aurélie Vertu DESS ENSSIB « Les marques typographiques d’imprimeurs » 2004

[3Cf « Iconographie et symbolique du blason des compagnons passants tailleurs de pierre ». J-M Mathonière
in Renaissance Traditionnelle N° 122

[4Pour tous ces développements lire Jean Lévèque, Carme de la Province de Paris.
http://perso.orange.fr/j.leveque-ocd/

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Le motif central de la marque
30 janvier 2012, par G.rare

Les marques et chrismes présentés dans cet article déjà ancien ont fait tilt en moi. Et non sans raison ! Car je les ai vus récemment dans la réédition du livre Sur le chemin du Saint Graal de Antonin Gadal le dernier Patriarche Cathare !
(édition de la Rose-Croix d’Or/Lectorium Rosicrucianum/Pays-Bas)
Ils figurent dans les annexes au chapitre La signification des Symboles ; la marque dite Rembolt est absolument identique à un dessin de la grotte cathare de Lombrives (page 157).
Quant aux autres marques, elles apparaissent partiellement dans les dessins de la grotte d’Ussat (page 156) et le chrisme est commenté par Antonin Gadal dans les pages précédentes.(rappelons-nous qu’il transmis toute sa connaissance et ses documents au Lectorium Rosicrucianum toujours installé à Ussat)
Tout ceci ouvre donc la voie à d’autres pistes très précises...


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