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Pèlerinage à Compostelle par le Camino del Ebro

Etape 26 : De Sahagun par El Burgo Raneiro à Mansilla de las Mulas
Camino del Ebro : 698 km déjà parcourus

par El Peregrino


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Samedi 30 septembre 2006
Etape de 38 km

Il fait nuit quand je sors du refuge.
Nous sommes fin septembre les jours sont de plus en plus courts. Maintenant, jusqu’à Santiago, tous les matins à 7h30 mes premiers pas sur le Camino se feront avant le lever du jour. Je n’aime pas tellement partir dans ces conditions, mais il n’y a aucun risque, je connais bien le chemin.
Voilà une étape que beaucoup de pèlerins abhorrent... Elle est longue, droite, monotone, mais facile. Pour faire le Chemin de Compostelle seul il ne faut pas s’ennuyer avec soi-même. Pendant cette étape, le paysage est d’une sobriété et d’une monotonie déconcertante.

Je sors de Sahagun en passant le pont sur la Cea. Le pont est là depuis 1085... ! Une petite heure pour rejoindre Calzada del Coto et me voilà sur ce chemin dit fonctionnel par la « junta de Castille et Leon ». Il me reste 33 kms à faire presque les yeux fermés si j’en ai la fantaisie... ! Je suis sur un chemin confortable et c’est un peu pour ça que j’ai opté pour une étape un peu longue aujourd’hui... Pourtant elle va être plus difficile que prévu, la pluie ne va pas me quitter pendant une bonne partie de la journée. De plus, il y a un vent de face assez violent qui lui va me tenir compagnie tout le jour. Vous savez déjà que je n’aime pas ce vent. Il joue avec mon poncho et il me donne la sensation d’avancer sur un dénivelé fatigant... !
Voilà ça dégouline... ! Mais je suis bien équipé, j’ai les pieds et le bas de mon corps au sec. Tout le haut est humide, mais chaud, tout va bien. Je progresse l’esprit ailleurs, je marche tête baissée, un peu comme un automate. C’est un moment pourtant important dont j’aimerais vous parler. Je marche dans ma tête avec une lucidité presque désagréable. L’histoire personnelle défile et ce n’est pas toujours facile. Pourquoi ici sur le Camino cette écoute, cette analyse de soi-même serait-elle plus difficile et aussi plus facile qu’ailleurs... ?

« Le but n’est rien, c’est le Camino qui est le tout »

D’autres moments de la vie ordinaire nous donnent aussi cette opportunité... Je n’en sais rien, mais c’est ainsi pour moi et je crois pour beaucoup d’entre nous sur le chemin. La marche dans la durée et la tradition du chemin offre la réalité d’un Rituel. Alors, l’être contribue et participe presque malgré lui...
« Le but n’est rien, c’est le Camino qui est le tout »... L’homme pénètre dans un processus initiatique. Les outils lui sont donnés, ils sont ordinaires et présents dans notre vie de tous les jours, mais ici leur utilisation devient globale et dans un contexte particulier, il y a fusion entre le cœur, les sens, l’esprit et le temps...
Tout devient simple et évident loin d’un intellectualisme de façade, comme devrait se vivre d’autres initiations que nous connaissons... L’ésotérisme est aussi le langage du cœur et ici sur le camino il s’épure...

Je suis assis sur un de ces bancs qui bordent le chemin, il pleut. J’ai traversé El Burgo Raneros et j’aurai dû m’arrêter pour manger un peu. Je n’avais pas faim alors et maintenant sur ce banc, la pluie me permet tout juste de grignoter quelques noix de cajou et quelques raisins secs... Deux femmes me rejoignent, elles sont enseignantes. Nous marchons de concert pendant quelques instants, mais très vite je les laisse partir devant moi... Mon goût prononcé pour une marche solitaire est toujours là...
C’est mon quatrième voyage à Compostelle et cette fois encore je pense que c’est peut-être le dernier... Pourtant, je sais aussi que cet hiver j’aurai ce désir de nomadisme dans les tripes. J’aurais aimé découvrir cette addiction quand j’avais trente ou quarante ans. Je sais maintenant que c’est cet état que je cherche et qui me convient... Savoir que demain je repars a quelque chose de jouissif quand je m’endors le soir. Au matin, il y a cette sensation de recommencement constant et une forme de curiosité pour ce que je vais découvrir non seulement derrière la prochaine colline, mais aussi dans mon cœur...

Ce soir, je serai à 18 kms de Léon, cette grande ville que j’aime. Une petite étape qui me permettra de prendre mon temps pour déambuler dans la ville.
J’arrive à Mansilla de las Mulas. Le refuge est très agréable et l’ambiance particulière. Il est fait de plusieurs dortoirs dans une vieille bâtisse du centre-ville et bien équipé malgré tout. Au centre il y a un patio fleuri, un lieu de vie toujours très vivant. Ici les hospitaleros sont très présents et très attentifs au bien être des pèlerins. Je suis assis à une table pour écrire et en même temps je les observe. L’un fait un massage sur un mollet douloureux, l’autre s’occupe sur un pèlerin d’une ampoule au pied récalcitrante... ! Si un jour cette fonction d’hospitalero me tente et si je veux connaître tous les aspects du camino, je m’inspirerai sûrement de leur manière de faire...

L’hospitalera à l’ouvrage

C’est un couple qui s’affaire et je reconnais la jeune femme. Elle était déjà là il y a quatre ans. Elle sait être autoritaire pour gérer cet albergue, mais aussi s’occuper presque affectueusement de ceux qui ont besoin d’elle.

Coquille stylisée sur la place du village...!

J’ai retrouvé Miguel y Miguel les deux compères avec qui je partage un verre de vin réconfortant comme apéritif. Nous sommes quelques pèlerins autour d’une table et après la solitude de la journée sur le chemin ces moments de convivialité sont un plaisir pour tous. Les plaisanteries fusent, parfois dans un échange de vocabulaire mélangé de plusieurs langues, mais toujours dans la bonne humeur. Parfois la conversation peut devenir sérieuse, c’est ce qui arrive ce soir quand je me retrouve au restaurant avec mes deux amis Espagnols. L’un est de Madrid, l’autre de la ville de Sancho Pança, il lui ressemble d’ailleurs un peu. L’un est un citadin genre intellectuel simple et modeste, l’autre athlétique, ancien boxeur un peu trop enveloppé et qui marche en se dandinant comme un ours, mais un ours qu’on a envie de prendre dans ses bras tellement il dégage de lui une sensibilité et une gentillesse évidente... Ces deux hommes très différents se sont rencontrés sur le Camino il y a quelques années. Depuis, quand leur travail et la famille le permettent, ils se retrouvent de temps en temps pour passer deux semaines sur le chemin et ils ne se quittent plus... !
C’est encore une magie du Camino, des hommes qui jamais ne devaient se rencontrer deviennent frères... (ça me rappelle quelque chose... !)

Quelle belle journée encore... ! Je suis dans mon lit et avant de m’endormir je crois bien avoir un sourire de béatitude, merci à LUI...

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Etape 26 : De Sahagun par El Burgo Raneiro à Mansilla de las Mulas
2 novembre 2010, par El peregrino

Bonjour à tous,

J’ai écrit en cette journée 2006

C’est mon quatrième voyage à Compostelle et cette fois encore je pense que c’est peut-être le dernier... Pourtant, je sais aussi que cet hiver j’aurai ce désir de nomadisme dans les tripes.

Nous sommes fin 2010 et c’était vraiment mon dernier voyage sur le Camino... Oh, je vais avoir 70 ans dans deux mois et je ne suis pas encore un grand vieillard, mais une page est tournée. Il me reste toujours mes longues randonnées sur les estives ariégeoises pour constater que ma récupération n’est plus la même quand les efforts se succèdent tous les jours... Reste la nostalgie pensez-vous, oui, mais une "nostalgie positive" pour avoir vécu des jours et des mois comme un nomade heureux et ce bonheur ne se teinte jamais d’amertume ...
Si quelques uns d’entre vous à la lecture de mes petites histoires sentent s’éveiller en eux le désir de partir, surtout, surtout, n’hésitez pas, partez...! Non content de vivre une aventure et des instants numineux, vous cacherez au fond du cœur le souvenir de moments heureux qui aides à vivre le temps ordinaire ici et maintenant...
Merci à LUI.


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