Ce jour-là
j’ai dit, mais ce que j’ai dit je ne l’ai pas dit
ce qu’on appelle dire
De même j’ai vu, mais quoi - comment ?
J’ai entendu, oui, mais comment ai-je entendu ?
Ce que j’ai dit, ce fut sans le moindre souffle
aucun bruit, même pas celui que fait un "papillon du chou" lorsqu’il se pose.
Je me suis entendue dire, sans l’ombre d’une émotion, et tout cela en le voyant, lui,
au regard absent
Il était là dans une entrée de métro, alors que les voyageurs allaient et venaient, indifférents.
J’ai dit sans que tressaille aucune de mes cordes vocales, ni le moindre mouvement de lèvres
Aucun atome de mon être n’a bougé
rien n’a vibré
J’ai vu
Il était là devant moi
et, sans aucune émotion
j’ai dit sans dire
c’est bien de lui qu’il s’agissait et à lui destiné
oui, je me suis entendue dire :
"Comme tu es beau !"
Je n’ai rien dit, je me suis entendue le dire
à lui, banal, sublimement et clochardement banal, hébété, dépenaillé, aviné peut-être, sans âge.
L’idée que je devrais fouiller mon escarcelle
pour lui donner le moindre sou, ne m’a
pas effleurée
Mais où étions-nous ? Ailleurs ?
Non ici, ici même !
"Comme tu es beau !"
Je suis partie, je n’ai rien quitté, c’est encore en moi
je suis partie sans rien quitter
sans émotion, sans banale pitié
Est-ce moi qui l’ai dit, qui l’ai entendu ?
Oui je l’ai dit, je l’ai entendu
dans l’espace sans espace
espace sans dimension
ça a parlé par moi, été entendu par moi,
je suis partie avec les allées et venues des voyageurs
sans me retourner, sans inquiétude
Ce fut
Qu’importe la forme
la beauté est ici et là
sans forme
dans toutes les formes.
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