Le ramadan : en souvenir d’une Nuit où descendent les anges de l’Esprit
Le mois de Ramadan est le mois au cours duquel, en 610 de notre ère, le prophète a reçu une nuit la révélation divine par l’intermédiaire de l’ange Gabriel (Jibrîl).
Laylat al-Qadr, cette « Nuit de la Révélation », c’est La « Nuit du Destin », ou « Nuit de la Valeur », qu’on célèbre le 27ème jour du mois de Ramadan par une nuit de prière [1].

- La Nuit de la Révélation
- Tableau du peintre russe Nicolas Roerich
Dans le Coran, la Sourate 97 al-Qadr est consacrée à cette Nuit particulière entre toutes, dont il est dit qu’elle est « meilleure que mille mois ».
« Faites les calculs ! » nous dit le Cheikh Ahmed Abidi [2] « et vous verrez que cela fait plus de quatre-vingt trois ans. Une nuit d’adoration vaut donc mieux, pour le croyant, qu’une vie d’adoration ! Je parle d’adoration mais le terme correct est Ibadat. Son sens dépasse celui du mot adoration dans la langue française. Ibadat inclut quelque chose de spécifique au musulman dans sa relation avec Dieu : un ensemble d’attitude de respect, d’amour, de soumission, de piété ».
Ce qui est recommandé pour célébrer cette nuit, au 27ème jour du mois de ramadan, c’est ce qu’on nomme ‘Atikâf : la retraite spirituelle au cours de laquelle on pratique la prière, la lecture du Coran, et l’invocation de Dieu : le Dikhr.
Ramadan : les origines
Deux termes coraniques de la même racine sont utilisés pour désigner le jeûne : Sawm et Siyâm. Le premier terme se rapporte au jeûne d’initiative, mis en rapport avec le jeûne de Marie (Coran XIX, 16-40). Le second, le Siyâm, est le jeûne du Ramadan, un jeûne d’obligation, pilier de l’Islam.
Le terme « ramadan » peut désigner le 9ème mois du calendrier musulman (dont la date, variable, est calculé selon l’année lunaire), ou bien l’ensemble des prescriptions religieuses qui y sont associées (faire ramadan, observer le ramadan).
Le terme exprime donc une forme d’Unité qui transcende la succession temporelle des jours et des nuits, Unité que réalisa la "descente du Coran" lors de la Nuit du Destin. Durant cette Nuit, « descendent les Anges et l’Esprit, par permission de leur Seigneur » (Coran XCVII, 1-5).

- Le Prophète Muhammad (saws)
- Tableau du peintre russe Nicolas Roerich

C’est quelque chose de cette grâce divine que le croyant veut contempler dans son cœur, par le jeûne du ramadan.
Le jeûne du ramadan sera donc une démarche intérieure dont Dieu seul est le témoin, puisque en tant que « non-acte », abstinence, il ne peut être connu que de Lui.
Les différents niveaux du jeûne
Al Ghazali, le philosophe et soufi persan (1058-1111) a insisté sur les trois niveau du jeûne : celui du corps, de l’esprit et du cœur [3].
Le jeûne commence par l’abstention de la satisfaction des désirs élémentaires (faim, soif, pulsion sexuelle).
Ensuite, il peut être transposé aux satisfactions de l’esprit qui servent l’ego.
Enfin, il peut devenir pure abstention, totale disponibilité d’une âme absente à ce qui est autre que Dieu.
Mais comment, pratiquement, atteindre cette totale disponibilité à Dieu ?
Il y a d’abord la maîtrise du regard, "qui consiste à se détourner de tout ce qui peut occuper le cœur et détourner de l’invocation de Dieu".
Puis la maîtrise de la langue : "la langue doit s’abstenir de divaguer, mentir, médire, diffamer, dire des grossièretés, faire du tort et prendre partie. Elle doit se taire et s’occuper à invoquer Dieu".
Puis la maîtrise de l’ouïe : « l’ouïe doit s’abstenir de tout ce qui est répréhensible : le médisant et celui qui écoute sont associés… ».
Puis la maîtrise du corps : ne pas montrer que l’on jeûne par une attitude fatiguée, mais aussi…"ne pas trop dormir pendant la journée afin de ressentir la faim et la soif et l’affaiblissement des forces. Le cœur deviendra alors plus pur... »
Puis, très important : la modération dans le repas de rupture du jeûne, à la nuit tombée : « quel est l’intérêt du jeûne… si le jeûneur lors de la rupture pallie à ce qu’il a raté dans la journée en ajoutant même d’autres sortes de nourriture ?... Il est connu que l’objectif du Ramadan est de vider l’estomac et de briser le désir pour que l’âme s’affermisse. Si on laisse l’estomac vide du matin au soir, qu’on laisse ses envies et désirs s’exacerber et qu’ensuite on le nourrisse de douceurs, son plaisir augmentera et des désirs naîtront qui seraient restés endormis ».
Pour tirer profit du jeûne, « on ne doit manger que ce qu’on mangeait le soir hors de la période du jeûne ».
Enfin, la dernière vertu du jeûneur est l’humilité. « Après la rupture du jeûne, le cœur doit être inquiet et balançant entre la crainte et la supplication. On ne sait si son jeûne est accepté par Dieu…. Qu’il en soit ainsi chaque fois qu’on accomplit un acte de dévotion » !
A ces conditions, le jeûneur a deux joies : lorsqu’il rompt son jeûne, il se réjouit, et lorsqu’il rencontre Son Seigneur, il se réjouit d’avoir jeûné !
Mais, comme nous le dit Djalâl-od-Dîn Rûmî, ces joies sont encore une aube...
« Quand l’aube de l’amour divin commence à se lever
L’âme, dans le corps des vivants, prend son vol
L’homme arrive à cet état où, à chaque souffle,
Sans se servir de ses yeux, il parvient à voir l’Ami. »
Ibn ’Arabi écrit à propos du rôle du jeûne librement pratiqué dans la voie initiatique :
"L’être réalisé ne s’impose pas de lui-même un régime de faim, mais d’une façon naturelle sa nutrition décroît lorsqu’il se trouve dans la condition de l’Intimité divine."
Le ramadan est une porte ouverte...