De Shivanataraj au Shivalingam

"La danse de Shiva est la danse de la matière subatomique. Comme dans la mythologie hindoue, c’est une danse permanente de création et de destruction impliquant le cosmos tout entier ; la base de toute existence et de tous les phénomènes naturels." (Fritjof Capra)

La fameuse danse de Shiva sous son aspect de Nataraj "Le Seigneur de la danse" est la représentation symbolique du concept philosophique de l’activité Cosmique dont Shiva est l’agent. Lorsqu’il danse, tout danse, les électrons qui tourbillonnent, les protoplasmes qui palpitent, le cœur qui bat, les planètes décrivant leur orbite, le soleil embrasé, les étoiles qui brillent, tout cela et aussi tout le reste qui constitue cet Univers. Nataraj tient le feu dans une main et le tambour dans l’autre signifiant la manifestation de l’énergie en tant que chaleur, lumière et son.

Il importe de saisir que si le processus de création, préservation et destruction de l’Univers est représenté par la trinité Hindoue ou Trimurti : Brahmâ pour la création, Vishnu pour la perpétuation et Shiva pour la destruction, c’est Shiva qui représente le principe suprême. Il en est ainsi non pas parce que la destruction l’emporte toujours mais parce qu’Il est le principe transcendant et immanent de la Réalité ultime à la fois manifesté et non manifesté. Sous cet aspect, il est symbolisé plus que représenté par le Shivalingam.

"Tandis que je me tenais sur la plage, mes expériences théoriques passées devinrent vivantes. Je vis des cascades d'énergie descendre de l'espace au sein desquelles les particules étaient créées et détruites selon des pulsations rythmiques. Je vis les atomes des éléments et ceux de mon corps participer à cette danse cosmique de l'énergie. J'en sentais les rythmes et j'en entendais les sons, et à ce moment précis, je sus que c'était la danse de Shiva, le seigneur de la danse adoré par les hindous." (Fritjof Capra)

Cette forme de Shiva connue sous le nom de Linggodbhavamoorthi est illustrée par un récit qui se trouve avec des variantes dans quatre puranas différentes :

Brahma et Vishnu se disputaient pour savoir lequel des deux était le plus important quand une énorme colonne brillante de lumière aveuglante apparut. Elle s’élevait haut dans les airs et s’enfonçait dans le monde inférieur. Brahmâ prit la forme d’un cygne et s’éleva dans les airs sans pouvoir dépasser ni mesurer la hauteur du pilier. Vishnou prit la forme du sanglier et creusa sans pour voir atteindre le fondement de la colonne.

Les deux dieux durent admettre que la réalité est au-delà des mondes subtils et grossiers de la perception des sens et de l’intellect. Ici donc la réalité omniprésente et omnisciente de Shiva est cette colonne de lumière qui s’est manifestée pour faire comprendre à Brahmâ et Vishnou leurs limites un jour de nouvelle lune du mois de Magha qui correspond à fin février et début mars dans notre calendrier.

Le lingam est cette colonne de feu se prolongeant elliptiquement vers le haut et s’enfonçant vers le bas dans un récipient circulaire. Shiva est donc identifié à ce qui est appelé dans le Brahmanisme, Brahman ou Parabrahman justement et qu’il ne faut pas confondre avec Brahmâ. Il faut savoir que le culte de Shiva est considéré comme le plus ancien de l’humanité. Il était vénéré aux anciens temps des Védas comme Rudra, dieu des brigands, nom qui veut dire, le hurleur, divinité redoutable et cependant auspicieuse. Ce culte est toujours très populaire et actif. A notre époque comme à certaines périodes antérieures certains sages en Inde manifestent à travers leur corps ces lingams sous un aspect d’abord plastique puis solide de pierres ovoïdes au moment de la sainte nuit de Mahashivaratri, reproduisant ainsi le mythe de l’apparition de la colonne de feu.

Le rituel de l'Abishekam est réalisé sur l’une de ces pierres qui manifeste la présence effective de Shiva, ses bénédictions et sa grâce, mises en mouvement par le rituel comme une danse de Shiva dispensatrice de ses énergies. Il s’agit du bain rituel de la divinité à travers l’objet consacré qui "l’incarne" ici, le lingam, ailleurs, une statue. C’est donc une cérémonie qui est symbolique des étapes qu’il faut parcourir sur la voie spirituelle et dans le cheminement intérieur vers la divinité.

"Regarde, mais regarde ! Elle danse, là-bas et donne aux yeux ce qu’ici tu essayes de nous dire ... Elle fait voir l’instant... O quels joyaux, elle traverse ! ... Elle jette ses gestes comme des scintillations ! Elle dérobe à la nature des attitudes impossibles, sous l’œil même du Temps ! ... Il se laisse tromper ... Elle traverse impunément l’absurde ... Elle est divine dans l’instable, elle en fait don à nos regards ! ... (Stéphane Mallarmé "L'âme et la danse")


Par Vignesh
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PS : Cette page est inspirée d'un article de Monsieur Vigneshwaram paru dans le journal de Premananda Ashram.


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