Saint Colomban et le monachisme du 7e siècle Léglise dIrlande : son substrat celte LIrlande est une île, je ne vous apprends rien je pense ? Ce pays de légende est même "Ultima Thulé" la dernière terre habitée au large de lEurope. Et son paysage ne ressemble à nul autre. Elle fut peuplée au premier siècle avant notre ère par les Gaëls, Celtes qui prirent le dessus sur un peuple lui même venu de lorient, le peuple adorant la grande Déesse Mère Danann, les "Tuatha de Danann". Cette déesse intégrera dailleurs le panthéon celte. En dehors de larchéologie nous avons le témoignage des navigateurs grecs ayant fréquenté ses côtes en ces temps préchrétiens. LIrlande restera isolée du continent européen pendant les quatre siècles où celui-ci connaîtra sa transformation la plus importante. Elle offre ainsi la particularité dêtre restée totalement en dehors de lempire romain. Cette différence est importante car si la Gaule des 5e et 6e siècles est manifestement romanisée, tant dans ses structures civiles, religieuses que culturelles, "lîle verte" reste celte. Or il nest rien de plus opposé que ces deux cultures : lune, la romaine, est "carrée", les habitations sont rectangulaires, larchitecture adopte des formes précises aux angles droits. Les dieux sont hiérarchisés, létat et la société sont centralisés. Elle fonde des villes. La famille est de type patriarcal. Les hommes sont rasés et portent les cheveux courts. La monnaie y joue un rôle important. Lautre est celte, cest à dire ronde, chevelue et barbue. Les Celtes ont une vision circulaire du monde ; le temps est cyclique ; les maisons, les champs et les hameaux sont ronds. Le territoire na pas de limites précises (ce qui priverait les Celtes de leur sport favori : la guerre). Létat nexiste pas ; il y a plutôt une sorte de fédération de tribus en petits royaumes, eux-mêmes placés sous lautorité symbolique et sans cesse contestée dun grand roi. Celui du royaume du milieu. La femme joue un rôle de premier plan dans cette société ; elle combat avec et parfois devant les hommes ; cest à elle quappartient la terre et la maison, elle peut choisir son époux, (le mariage est généralement à durée limitée). Le roi lui-même ne doit son titre quau fait quil est le mari de la reine. On y refuse lusage de la monnaie et lon méprise les villes. Lorganisation sociale est basée sur la famille étendue, le clan. Le droit coutumier ne repose sur aucun pouvoir exécutif. Il perdure en raison de son caractère sacré. La répartition de la société se fait en trois classes traditionnelles : sacerdotale, guerrière et productive. Cette civilisation qui sépanouit en symbiose avec la nature, est pourtant techniquement très en avance puisquelle utilise le verre, connaît la charrue à roues (alors que les romains et bien dautres peuples ont des araires encore pour longtemps) et surtout elle a mis au point ce chef duvre de lartisanat quest le tonneau. Lexemple de lart nous suffira pour situer la différence ; lart romain est très figuratif et présent dans larchitecture. Lart celte abstrait aux multiples volutes et entrelacs se trouve principalement sur les bijoux et les armes. Lart roman en sera lhéritier direct. Les dieux celtes sont des personnifications de forces naturelles ; tel Lug, suprême artisan dit le dieu "longues mains " qui est en fait un démiurge mettant de lordre dans le chaos. Il sera assimilé au Christ Pantocrator (voir à ce sujet liconographie romane où, comme à Vézelay le Christ en majesté est représenté avec des mains démesurément longues). Mais chaque source, chaque arbre a son dieu propre ; le chamanisme est présent et efficace. Le culte se pratique dans la nature, face au soleil, au vent et aux étoiles. Le druidisme, structure sacerdotale, est organisé en collèges. Un maître y enseigne oralement, selon un mode mnémotechnique particulièrement élaboré : on psalmodie en alternance de très longs et très anciens poèmes qui contiennent toute la mémoire du peuple celte depuis la cosmogénèse jusquaux généalogies. Lécriture est connue mais peu employée car seule compte la parole vive : la lettre fige le verbe et le fait mourir. Cette caste connaîtra, au début de notre ère un déclin dû à labandon de ses traditions spirituelles au profit de la magie et de la divination, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle spiritualité : le Christianisme. Les romains redoutaient, outre la violence de la femme guerrière, lefficacité de la malédiction du druide. (César ne sest-il pas vu attaqué par une forêt, les arbres étant guidés par un Druide ?) Lorganisation tripartite de la caste sacerdotale la divise en bardes, ovates et druides, sans que lon puisse aujourdhui savoir s'il sagit dune distinction hiérarchique ou correspondant à des spécialisations (1). Il est important lorsque lon parle de la religion de "nos ancêtres" (2) de ne pas omettre la grande déesse mère Danann qui en est lélément central emprunté, nous lavons vu aux autochtones conquis, et que nous verrons resurgir dans le christianisme sous bien des formes inattendues. (Dame Anne est, en effet issue de Bretagne, et St Bernard en fera la Ste Anne mère de la Vierge qui na aucun fondement biblique) La croyance en un au-delà accueillant les défunts et en la métempsycose complètent un peu ce bref aperçu dune religion encore mal connue. LIrlande est un pays de pasteurs. Ce qui donne aux habitants, paraît-il, une propension à la rêverie. Dans les villages on vit en famille et les moindres événements donnent lieu à de légendaires banquets, au cours desquels on goûte avidement, outre les nourritures terrestres, des mets spirituels : poésies, contes et chants. Les bardes transmettent ainsi les légendes et tout le savoir au peuple en saccompagnant sur leurs fameuses harpes. La spiritualité de lIrlande doit beaucoup au génie propre du peuple celte que lon décrit comme idéaliste, aventureux, enthousiaste et communicatif. Le christianisme sépanouit naturellement en monachisme puisque cette structure religieuse préexistait. De fréquentes légendes nous rapportent lhistoire de collèges druidiques entiers se convertissant comme un seul homme, ce fait qui parait difficilement crédible à nos esprits modernes est pourtant dans la logique du temps et du lieu. La prise de position du chef spirituel suffisait pour que tout le groupe suive par obéissance. (1) - Cette partie fait références aux travaux récents de J. Markale, M. Leroux et P.Guyonvach. (Retour au texte)
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