Saint Colomban et le monachisme du 7e siècle
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L’église d’Irlande : fondation et particularités

C’est généralement à Saint Patrick que l’on attribue l’évangélisation de l’Irlande. Né vers 389 à Daventry en Bretagne, (la grande), Celte romanisé, il fonde en effet dès 444 deux monastères à Armagh qui deviendra, plus tard le siège primatial. Il meurt en 461. En fait, des signes peuvent nous laisser penser que l’île verte avait déjà reçu le témoignage chrétien, notamment le nombre important d’abbayes existant au Ve siècle. Il existe plusieurs hypothèses pour expliquer cela. L’une des plus couramment évoquées est celle de contacts avec l’Orient soit par le moyen du commerce régulier qui se faisait de longue date avec les navigateurs phéniciens, soit par les visites que les Celtes de la péninsule ibérique et les scotti d’Irlande se rendaient mutuellement.

Militent en faveur de ces suppositions :
- Des similitudes de légendes pagano-chrétiennes (les Sept Dormants d’Ephèse entre autres)
- Des similitudes liturgiques : longues psalmodies etc. ...
- Une vénération particulière de Notre Dame
- La célèbre exubérance ascétique
- Les apocryphes chrétiens avaient déjà suffisamment circulé à la mort de Saint Patrick pour que sa légende en soit largement inspirée (1)
- Un étrange comput de la date de Paque basé sur le cycle lunaire, en désaccord total avec celui de Rome.
- Une pièce de l’antiphonaire de l’abbaye de Bangor ne dit-elle pas au sujet de l’Eglise d’Irlande :

"Demeure pleine de délices
Construite sur le rocher
Vraie vigne
Transplantée d’Egypte"

Le pélagianisme est assez exemplaire des rapports entre l’Irlande et le Proche-Orient. Cette hérésie qui se développe surtout en Palestine et en Afrique, entre 410 et 420, est très rapidement répandue dans l’île à tel point que l’intervention de Saint Germain se révélera indispensable dès 440. Cette floraison d’ascétisme et de sainteté valut très tôt à l’Irlande le surnom "d’île des saints". Bon nombre d’entre ces saints franchirent les mers au nom de l’exil pour Dieu, et évangélisèrent le nord de l’Europe. L’hagiographie de certains d’entre eux nous révèle qu’un de leur moyen favori de navigation est l’auge ou le sarcophage en pierre ; analogie intéressante avec la légende de Saint Jacques à Compostelle, autre terre celte et le mythe oriental d’Osiris, le vert (2). Il nous reste quelques règles de ce monachisme, ou plutôt des recueils de sentences pieuses et d’exhortations. Elles offrent un aspect original au regard des autres productions chrétiennes ; elles adoptent parfois le style poétique et rimé des bardes.

Seule la règle de Saint Colomban a réellement le caractère d’une règle monastique. Ecrite à l’usage des moines gaulois, elle est empreinte des traditions ascétiques irlandaises. Une des particularités de ces moines est de mêler la culture profane et religieuse dans leurs travaux intellectuels. On leur doit notamment la mise par écrit et donc la préservation d’une partie importante du fond légendaire celte grâce auquel nous sommes en mesure depuis quelques décennies de reconstituer la spiritualité de ce peuple.

Tout à fait paradoxalement, c’est dans ce pays celte que va être conservée la culture latine la plus pure. Le latin, langue officielle de l’empire romain n’a jamais été parlé en Irlande. Il s’agit d’une langue étrangère dont les moines vont cultiver l’expression la plus classique. Cet engouement va les conduire à reproduire bien des textes profanes et ainsi à sauver une grande partie de la philosophie grecque et latine. De plus dans ces monastères, on s’intéresse de près à des sciences considérées ailleurs comme profanes la grammaire la géométrie et la géographie. On y enseignait la sphéricité de la terre dix siècles avant Copernic ! La renommée de ces moines savants était telle que l’on venait de très loin pour en recevoir l’enseignement. Au titre d’étudiant, l’on pouvait séjourner dans un monastère.

Toute l’église d’Irlande s’organise autour des nombreux monastères dont les pères abbés désignent les évêques parmi leurs moines. Tout naturellement, des pratiques, à l’origine propres aux cénobites, vont se communiquer au peuple tout entier. C’est le cas de la confession et de la pénitence. Le moine représentant un idéal de sainteté que l’on voudra imiter, la pratique du pèlerinage, (souvent jusqu’à Rome) se répandra parmi les laïcs qui voudront vivre l’exil temporaire pour Dieu.

Le culte des saints

Les deux Saints Jean, avec Pierre et Paul sont fort en honneur ; ils sont les seuls saints non autochtones à être fêtés dans l’église primitive d’Irlande, si l’on fait abstraction de Saint Michel. En effet, le gardien d’Israël est le premier de tous et l’objet d’une ferveur particulière. Ce trait cultuel différencie l’église d’Irlande de l'église romaine qui règne ailleurs et la rapproche des églises du Proche-Orient. De plus, cette spiritualité johannique lui donne une couleur ésotérique particulière.

Le culte marial

Solidement établi dès les premiers temps il occupe une place importante. De très anciens poèmes mentionnent le Christ comme " Fils de Marie ", ils sont, au VIe siècle, le prototype du Stabat Mater qui ne sera composé qu’au XIIIe. Le Magnificat est chanté tous les jours dans les monastères. Ces chants, ces poèmes célèbrent Notre Dame avec des images et des accents très orientaux. Le thème parallèle d’Eve et Marie est fréquent.

(1) - "L’art chrétien de l’Irlande ancienne révèle une influence orientale... la conception du combat ascétique est typiquement orientale... Dans la règle de St Columban on trouve une vingtaine de citations de Jean Cassien, et il est certain que des œuvres chrétiennes venues d’Orient furent connues en Irlande avant le VIe siècle..." Dictionnaire de spiritualité t72 col 1973 (Retour au texte)

(2) - Il est étrange de voir en effet que l’archétype légendaire du culte aux mystères d’Osiris (qui voyagea d’Egypte à Tyr, une fois mort, dans son cercueil de pierre, sur les flots et fut retrouvé par Isis grâce à un arbre verdoyant signalant sa tombe) ait été réemployé tel quel dans la légende de St Jacques de Compostelle et celles de nombreux saints Celtes ainsi que dans d’autres mystères. (Retour au texte)


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