Ils parlent de William Beckford... Souvenirs imaginaires...
Grâce à des textes parfaitement imaginaires écrits récemment par quelques passionnés de la vie et de l'oeuvre de William Beckford, laissez-vous conduire à travers l'Europe des XVIIIème et XIXème siècles à la rencontre de cet homme hors du commun.

Dans la foule des autres, de l'Angleterre et du monde, de son temps et du nôtre...

I

William Beckford ! William Beckford ! Je ne veux plus entendre parler de lui ! C'est un sorcier, un démon qui déshonore de sa présence notre douce Angleterre ! Je suis un Démocrate et j'ai l'esprit large mais c'est trop ! J'ai sonné l'autre jour à la porte de ce... de ce Monsieur; et bien devinez qui m'a ouvert ?... Un Giaour ! Oui parfaitement, un Giaour ! Une sorte de nain maléfique aux yeux injectés de sang et qui se nourrit de champignons vénéneux ! J'ai fait la guerre, moi, mais contre ça on ne peut rien !

II

Son rire. Son humour et son rire éclatant de vie. Voilà ce dont je me souviens. Un être qui réagit tout simplement aux choses qu'il voit, aux gens qu'il côtoie, au monde qui l'entoure.

III

Je connais très peu cet homme. Je suis jardinier et il voulait me voir pour que je lui donne quelques conseils pour son jardin. En fait de conseils, c'est plutôt moi qui en ai reçus. De ma vie, je n'ai vu de fleurs plus épanouies que chez Monsieur Beckford. Je me souviens en particulier d'un massif d'héliotropes qui poussaient avec une telle exubérance fantasque que j'ai eu du mal à reconnaître mes petites fleurs préférées. L'Éden devait sûrement ressembler au jardin de Monsieur Beckford.

IV

J'habite les faubourgs de Bath. Un soir, alors que le soleil se décidait à disparaître derrière l'horizon, je vis un nuage de poussière foncer dans ma direction au triple galop. C'était bien un cheval qui déboulait l'écume aux lèvres, les muscles tapissés de sueur; et ce n'est que quand il fut à quelques mètres de moi que je reconnu le cavalier : William Beckford. Avec un sourire d'enfant qui vient de faire une bonne blague, il me lança: "J'ai parcouru trente-huit miles en une journée sans descendre de selle. C'est beau non ?" C'était bien mon avis, en effet, pour un homme de soixante-dix-huit ans !

V

Un jour, j'ai vu arriver Monsieur Beckford avec ses serviteurs. J'avais mon bébé dans les bras et j'allais m'éloigner pour lui céder le passage quand il m'a appelée : "Quel beau bébé, laissez-moi le regarder." Il m'a souri et il a fait comme s'il voulait prendre les mains de l'enfant. Sans que personne ne le voie, il a glissé dans ma main une pièce d'argent et s'en est allé comme si de rien n'était. Si les pauvres gens avait un ami, c'est bien Monsieur Beckford. Que Dieu le bénisse !

VI

Et quand, en plein hiver, la neige recouvrait le sol et que le chauffage coûtait cher, il avait coutume d'envoyer des wagons et des wagons chercher du charbon à Warminster et il leur faisait traverser la campagne enneigée pour le rapporter et il donnait aux pauvres gens de quoi se chauffer en suffisance, avec de l'argent, des couvertures, et des vêtements en plus de ça ! Ah vraiment, ceux qui disent que Monsieur Beckford s'est enfermé dans son abbaye pour fuir le monde ne savent pas quelle extrême attention il avait au contraire de ceux qui l'entouraient de près ou de loin. Son départ de Fonthill nous a bien peiné. Oui, Monsieur, sincèrement.

VII

Mais qui étiez-vous, William Beckford ? Richissime excentrique d'un égoïsme immense n'admettant aucune forme de moralité selon le tableau que s'est plu à brosser la société anglaise ? Ou bien simplement un personnage un peu original doté d'une grande fortune et aimant faire le bien autour de lui, ce que nous pourrions croire d'après certains témoignages? Ou bien ...?




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