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Pèlerinage à Compostelle par le Camino del Ebro

Etape 14 : De Calahorra par Carca et Lodosa à Alcanadre
Camino del Ebro : 374 km déjà parcourus

par El Peregrino


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Lundi 18 septembre 2006
Etape de 28 km

Galère aujourd’hui... !

Pourtant tout a bien commencé, le portable sonne à 6h30, et à 7h je suis installé confortablement dans le bar à côté pour un bon petit déjeuner. A travers la vitrine, j’observe le manège dans la rue de quelques jeunes hommes appuyés aux murs. Ils n’attendent pas un transport en commun, non, ils attendent du travail... ! De temps en temps une voiture arrive, l’homme au volant fait un geste et deux ou trois hommes se précipitent dans le véhicule qui disparaît rapidement... Nous sommes en période de récolte et la main d’œuvre à bon compte est la bienvenue...

J’abandonne la ville haute et après avoir repéré une flèche jaune, je marche à bonne allure dans une avenue de cette cité de 23.000 habitants. Un quart d’heure après la galère commence. J’arrive à un rond point qui me donne le choix entre cinq grandes avenues... ? Mais aucune flèche jaune. Après avoir suivi une première indication d’un passant, je reviens sur mes pas en m’apercevant qu’il y avait sûrement une erreur. J’interroge quelques rares personnes autour de moi, sans résultat probant. Elles me donnent toujours des réponses un peu évasives...

Il y a une heure maintenant que je marche pour rien en perdant mon temps. Il faut prendre une décision. J’ai dans mon sac une carte Michelin un peu détaillée pour me situer si cela s’avère nécessaire. C’est bien le cas aujourd’hui, je vais prendre une route goudronnée comme si j’étais en voiture... ! Je repère facilement la NA 134 à la sortie de la ville. Elle va sûrement me faire faire quelques kilomètres supplémentaires, mais au moins je suis sûr de retrouver le Camino aux environs d’Alcanadre... Bon, je ne veux pas penser aux kilomètres en trop que je vais faire aujourd’hui... ! Je vais marcher plus de 7 heures et à 99% sur du goudron... Heureusement il ne pleut pas, mais il y quelques risques sur cette route parfois étroite. Les camions me croisent et le brutal déplacement d’air qu’ils provoquent est parfois presque déstabilisant...

Ancienne gare et refuge d’Alcanadre...!

Le pire n’existe pas... ! Tout va bien et si en plus il avait plu sur la route goudronnée... ? Donc ma petite étoile a quand même assuré...

Rien de particulier pendant ces heures un peu trop bruyantes. J’arrive à Alcanadre pour apprendre dans le premier bar dans lequel je pénètre, qu’il y a un albergue pour les pèlerins... Super, mais je vais découvrir très vite que je ne suis pas seul à en avoir besoin...
Le patron du bar me donne la clef et il m’informe que le refuge, c’est l’ancienne gare qui a été affectée à cet usage... Le bâtiment est isolé et couvert de graffitis, l’aspect n’est pas très encourageant... Avant d’entrer, un homme accourt, c’est le garde municipal. Il m’annonce qu’il y a déjà un couple qui reste là pour deux jours... Bon, pas de problème, je monte un escalier un peu raide et je frappe à la porte pour m’annoncer. Elle s’ouvre toute seule et un homme au sourire éclatant me fait face. C’est un Pakistanais très noir de peau, un peu rondouillard, les cheveux gras, encore plus petit que moi et qui tient une casserole fumante à la main... !

« Entrez, entrez me dit-il ». Dans un coin de la pièce il y a une cuisinière à bois qui ronfle et qui fume. Sur l’autre mur il y a sa compagne. Une femme blanche sans âge qui fume nerveusement assise sur un sofa miteux et un peu crasseux... Elle est maigre, les cheveux déjà un peu grisonnant, le visage sans maquillage et les traits qui semblent témoigner de plus de chagrins que de moments heureux... Je ne saurai presque rien de cette femme, mais il dégage d’elle toute la misère du monde.
Plus rien ne peut m’étonner sur le Camino... Après avoir choisi dans une des pièces de cette drôle de gare un lit au matelas neuf encore dans sa housse plastique, je reviens dans le « salon » pour faire un peu plus connaissance. Ce curieux couple m’intrigue et m’intéresse...

Nous sympathisons très vite et leur histoire est un peu sordide. Je ne suis pas sûr de tout savoir et de tout comprendre, mais toujours est-il qu’ils sont fauchés comme les blés et qu’ils vont de village en village pour trouver du travail en faisant halte dans un refuge quand ils sont acceptés. Je vais en ville pour faire quelques achats pour eux et pour moi : du pain, une grosse boite de lentilles, du jambon et un paquet de cigarettes pour elle...
Ils voudraient que je soupe avec eux, il a préparé sur son feu de fortune une marmelade de légumes avec des poivrons récupérés je ne sais où... Je prétexte un repas commandé au seul bar du village pour m’abstenir... Je ne digère pas les poivrons... !

Mes voisins de chambre...

Il est 19 h, je suis dans le bar du village. La patronne me prépare une soupe de légumes et un délicieux plat de poisson avec un riz au lait comme dessert. Je suis seul dans la pièce la télévision me tient compagnie. J’ai une mauvaise pensée, j’ai laissé ma mochila à la gare, j’espère tout retrouver au retour... Je ne suis pas fier de cette pensée ridicule, la pauvreté n’est pas synonyme de malversation. Il est vrai que de nos jours le mot de racaille est utilisé sur l’image et surtout dans l’ignorance...
En revenant au refuge je découvre de nouveaux voisins encore plus marginaux d’apparence... Ils font les vendanges, lui grand, sec, cheveux longs trop gras, quelques anneaux aux oreilles et de magnifiques tatouages sur les deux bras. Elle, tout juste vingt ans, mince, bien faite, les cheveux longs en bataille, qui pourrait être jolie à condition d’oublier l’aspect maladif d’une peau déjà terne...
Curieuse assemblée, curieuse cohabitation, merveilleux Camino... ! Je pense aux circonstances de la vie de chacun, il faut bien reconnaître que nous n’avons peut-être pas tous les mêmes chances à notre naissance... Il serait bon pourtant que tous dans notre vie nous ayons un jour à nous frotter contre l’étrange et l’étranger... Nous aurions parfois un peu moins de certitudes sur les autres et sur nous même...

J’aime l’Espagne...

Il est presque 22h le lit sera le bienvenu. En revenant du restaurant, j’ai le nerf sciatique qui me provoque une vive douleur au côté droit, j’espère bien qu’une nuit de repos la fera disparaître. Les chaises en bois du bar étaient très peu confortables et comme j’ai perdu quelques kilos j’ai mal aux fesses... !!! Ceci explique peut-être cela...

Demain une journée pour rejoindre le Camino Francés à Logroño. Après ces deux semaines de solitude, je vais retrouver la promiscuité dans des refuges beaucoup plus fréquentés... Je suis dans mon duvet et pour une fois j’ai quelques difficultés pour m’endormir. Dans ma vie j’ai côtoyé tous les milieux, les hommes m’intéressent, mais mon attitude quand je me frotte à la marginalité est-elle franche ? Y a-t-il en moi un sentiment égoïste et trouble de satisfaction ? Mon regard sait-il donner une image d’un cœur qui soit vrai et sincère ?

Je glisse dans un sommeil serein, merci à LUI

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El Peregrino

Les photos ont été prises par l’auteur pendant son pèlerinage.

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