Je suis désormais, ouf !, en retrait de l’Inde trépidante et énervée. De plus hier a été décrété hartal [1] par le PCI, c-à-d. grève générale et quand une grève est décidée par le Parti, ici c’est du sérieux : tout le monde reste chez soi jusqu’au coucher du soleil.

J’ai donc pu circuler par toute la ville sur ma neuve bécane et la redécouvrir comme jamais. De nombreux quartiers ont conservé leur aspect de gros village avec ruelles rustiques, maisons à véranda et grand toit de tuiles. Dans le Cantonment, ancien district administratif colonial, je plonge dans les années 30 et 40 : avenues ombragées d’albizzias, villas blotties au fond de jardins fleuris, promenade du bord de mer avec vestiges de balustrade, réverbères et Miramar délabrés.

Ce Cantonment pourrait servir de cadre pour un film à la Ivory : une passion impossible, genre Moderato Cantabile, entre une Anglaise nécessairement belle, désœuvrée et délaissée par un mari accablé de tâches administratives et de fièvre maligne, et un Indien, peau sombre, regard intense et traits classiques, comme il s’en trouve par centaine ici pour le plus grand plaisir des yeux.