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21 décembre 2008 - 10:22
Courtes journées et longues nuits à Varanasi
jp guillot
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Parti ce matin en rickshaw de Assi Ghât pour Raj Ghât et Deverin Bridge à l’autre extrémité de la ville. De la hauteur vertigineuse du pont qui permet aux trains et aux véhicules de traverser le Gange, le fleuve donne l’illusion d’être aussi paisible et paresseux que la Loire mais des repères indiquent qu’en 1948 et 78, les eaux sont montées de plus de 15 mètres !

Le programme de la journée est de remonter à pied et à contre courant toute la longueur de la berge ; c’est dimanche, il fait moins froid et brumeux, les gens sont donc de sortie et de baignade.

Les ghâts sont une promenade philosophique : absolument tous les aspects de la vie s’y offrent à la contemplation et si l’envie en dit, à la méditation. De la naissance à la mort.

Il y a les rêveurs et les baigneurs. Ceux qui travaillent et ceux qui les regardent. Les riches drapés dans un pashmina et les mendiants grelottant sous des loques. Des lavandiers et des marchands de soieries. Des gens qui prient et d’autres qui s’enfument au chelum. Des athlètes et des éclopés. Des vaches, des chiens, des oiseaux, des dauphins, des chèvres. Leurs déjections mêlées aux offrandes de fleurs.

Des palais aux masures, le spectacle est constant, ininterrompu, partout, à tout moment, que l’on marche ou glisse en barque. On peut aussi monter des marches, arriver sur des placettes abritées par des banyans ou des pipals, s’asseoir à l’abri de petits temples, siroter un thé au lait dans un minuscule godet de terre crue qu’on jette après usage, faire la conversation avec un monsieur qui a visité jadis l’Europe ou décourager plaisamment en hindi un rabatteur qui travaille pour les soyeux.

L’Inde est un pays où je n’arrive pas à imaginer qu’il puisse faire froid, que je sois obligé d’aller m’acheter des vêtements chauds. Il fait 18 degrés et pourtant dans le brouillard humide, dans mon lit, je grelotte, cela semble inconcevable et du coup je tarde à m’adapter. J’ai sué pendant des semaines, n’ai porté que des cotons légers, et puis brutalement un vent, un brouillard, viennent tout napper de frissons et je vois sortir des pulls de laine grossièrement tricotée, des châles, des blousons démodés, des bonnets, qui rendent les silhouettes méconnaissables et j’ai l’impression d’avoir vu et vécu tout ça quelque part.

Lorsque je me promène dans les ruelles de Varanasi à la tombée de la nuit, abandonnant les ghâts déserts et venteux, je m’étonne de cette impression de déjà vu. Ces murs suintants et décrépis, ces portes entrouvertes sur une pièce nue où des enfants se serrent autour d’un brasero, ces hommes serrés les uns contre les autres dans un café sans rien dire et regardant la rue, ces grandes plages d’obscurité où l’on glisse sur des excréments d’animaux, ces marchés de rue où vendeurs et légumes reposent sur des plastiques à même la boue… Tout cela du déjà-vu et c’était à Fez.

Fez et Varanasi : villes pieuses et même bigotes, villes d’artisanats très spécialisés, villes de musique, villes touristiques où l’étranger est bienvenu, villes conservatrices où la richesse se cache derrière des murs sans fenêtres tandis que toute une population d’artisans vit accroupie toute la journée dans des échoppes et des ateliers sans soleil. Visages pâles mais vifs, parlant hindi en un jargon à eux rendu encore plus difficile à comprendre par le pan, ce paquet de feuilles de bétel et de noix d’arec qu’ils mâchent et crachent d’un jet couleur minium à longueur de journée. Lorsqu’un homme bavarde avec cette charge dans la bouche, c’est comme s’il avait avalé trop vite quelque chose de brûlant et qu’il essaye de dire c’est chaud, c’est chaud.

Période de vacances en Europe : les étrangers débarquent, visages pâles des gens du nord. Pas mal d’Anglais, d’Italiens, d’Espagnols, de musicos avec leurs tablas et leurs tignasses baba, d’amateurs de ganja, emmitouflés dans des tissus bigarrés, assemblage néo-hippy ou post-Gaultier. Les Français, équipés pour les randonnées de l’extrême, en partance pour le Népal, parlant fort, le nez plongé dans leur guide LP qui leur donne l’illusion rassurante de tout savoir à l’avance.

Je me suis assuré les services d’un rickshaw délabré à qui je fais une rente quotidienne.

À Sarnath, avant-hier, je n’ai pas retrouvé dans le Parc aux Cerfs où Bouddha fit son premier sermon, le souvenir enchanté que j’en avais gardé, il y a 17 ans : des grilles partout, un péage, des boutiques de bouddhas, et en plus gla-gla. J’ai donc bien fait de décider de ne pas assister aux enseignements de HH DL (His Highness the Dalaï Lama) et puis la perspective d’avoir à traverser toute la ville deux fois par jour me refroidit complètement : autrefois l’encombrement des rues était infernal, maintenant il est carrément apocalyptique (à moins que ce ne soit l’inverse).

Hier exploré le BHU – Benares Hindu University - grand ensemble très vivant et un beau musée hétéroclite mais riche, une salle de peintures mogols superbes, des manuscrits sur feuilles de palme, des bouddhas de Bactriane et une incroyable salle coffre-fort qui abrite quelques trésors un peu kitsch, des bijoux lourds, des poignées de dague en jade, des houkas persans, des monnaies d’or du temps des satrapies.

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