Soyons clair, tout de suite, cette carte jouit d’une très mauvaise réputation. Tant mieux. Ainsi, son symbolisme reste caché, et demande au cherchant de passer par-dessus les conventions et les idées reçues pour saisir le sens.
On l’appelle la tour cassée, la chute, on lui fait prédire mille catastrophes au consultant, maladie, mort, obstacle... or, rien de cela n’est écrit sur la carte. Il est écrit « maison Dieu ». Avant de nous lancer dans la médisance, observons un peu de respect pour ce noble nom, et disons nous qu’aucune carte du Tarot n’étant négative, quelque chose doit être dit là qui mérite ce nom.
La réalisation de la véritable nature de l’esprit, universelle non duelle et éternelle, ne peut s’accomplir que par la conscience originelle elle-même, cette conscience inchangée, dans laquelle toujours nous sommes, et à laquelle nous devons, à cette étape du chemin, nous éveiller, si nous voulons en parcourir la dernière étape. C’est cette conscience qui s’épanouira dans le corps de lumière, le corps solaire, et non la conscience parcellaire et conceptuelle qui n’a servi jusque là que de coque.
C’est cet éveil qui est célébré, dans la lame 16, l’introduction à la nature de l’esprit.
Tout est inscrit dans la petite encoche en bas à droite de la carte. Une légère ouverture dans le monde phénoménal auquel jusqu’alors nous étions habitués, et tout bascule. Que dévoile cette encoche ? Du blanc. Rien que du blanc. Comme la toile sur laquelle est projeté le film. A ce stade, le bateleur, par le truchement d’un maître accompli, introduit l’artiste à sa véritable nature. L’espace d’un instant, le voile se déchire, les nuages s’écartent, il se saisit lui-même en tant que lumière, et même si, rapidement tout revient dans l’ordre ancien, pour lui c’en est fait, il est ferré, et comme le suggère la forme de l’encoche, il est hameçonné.
Cette conscience pure est saisie par la conscience ordinaire en tant que souffles et feu, ce qui est figuré par les vents quadricolores mêlés de flammes qui apparaissent au coin en haut à droite. Y a-t-il la moindre violence ici ? Non, pas la moindre. Ce qui descend semble plutôt une bénédiction. Du reste, la tour ne présente ni cassure ni fêlure, c’est de son propre gré que le chef s’articule pour laisser entrer la manne, et s’ouvre à l’infini, cet infini dont le bateleur est coiffé.
L’intense jubilation qui en résulte fait danser les principes et nos émotions duelles en sont toutes retournées. Tout devient plus léger, le corps commence sa dématérialisation et semble comme en apesanteur. Et si nos personnages sont soulevés par les pieds, ce n’est pas un hasard. Désormais, le vide sera la base, le ciel sera sous les pieds du voyageur.
A ce moment, le véritable miroir de l’œuvre peut refléter devant les yeux de l’artiste, la lumière surgie directement de l’espace réel, sous la forme naissante de petites billes de couleurs, auxquelles chaque tradition fait référence. Leur nombre, 37, nombre premier aux multiples vertus, donnant 111 à la multiplication par trois, indique sa nature première, non engendrée, directement issue de la base de tout. Elle va grandir et se fixer lame 17, commencer le travail d’unification lame 18, pour apparaître dans la plénitude de sa nature lame 19.
Comme nous sommes loin de la réputation négative qui lui colle à la peau. Comme nous serions heureux de la voir apparaître dans notre vie, la miraculeuse lame, comme nous serions envahis de joie et de reconnaissance de nous voir enfin récompensés de nos labeurs. La vie nous serait alors comme un bain de lumière, et chaque effort nous apporterait de la force, parce que nous saurions sans aucun doute que la lumière est déjà sur le chemin.
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