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Pèlerinage à Compostelle par le Camino del Ebro

Etape 30 : De Rabanal del Camino à Molinaseca
Camino del Ebro : 811 km déjà parcourus

par El Peregrino


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Mercredi 4 octobre 2006
Etape de 25 km

Dur, dur, dur, ce matin, j’ai même un peu froid en sortant de mon duvet dans lequel je serais bien resté un peu plus... Oui j’ai une « tourista » qui va m’accompagner et m’affaiblir sur une étape pas très facile... Michel semble lui aussi fatigué et il traîne encore plus que moi.
Je me suis habillé chaudement, dehors il fait entre 6 et 7°. J’ai enfilé sur moi les polaires à ma disposition, qui suffiront d’ailleurs pour me protéger du froid. Je bénis encore l’idée d’avoir emporté des gants et aussi cette cagoule qui peut recouvrir la tête et les oreilles.
Plusieurs fois cette nuit, j’ai bu de l’eau minérale pour ne pas me déshydrater. J’arrive à manger un peu, l’envie de vomir d’hier semble avoir disparu. Déjà ce matin j’ai une autre indication... ! Je vais avoir dans la journée des envies impérieuses qu’il va falloir assumer... !

Il est 8 heures quand je pars. Il fait nuit, il pleut, il fait froid, j’ai le ventre qui gargouille un peu... ! La totale comme dirait l’autre... ! Faire le Camino c’est aussi être dans une situation inhabituelle, même désagréable et la dominer. L’ego, que nous avons toujours du mal à contrôler et qui jamais ne peut disparaître complètement est alors le bienvenu...
Je fais un signe à Michel qui n’est pas encore prêt, nous pensons nous retrouver un peu plus loin, il va me rattraper... Non, il n’en sera rien, même à l’étape en fin de journée il ne sera pas là. Je ne reverrai plus Michel le gersois... !

Le chemin va monter pendant un long moment à travers des buissons et des garrigues. Le paysage est rude et sauvage. En fait il n’y a pas de paysages, le plafond nuageux est bas, il pleut toujours et quand cela s’arrête, il y a une brume humide qui empêche de voir à plus de quelques centaines de mètres. C’est dans cette ambiance grise que j’arrive dans les ruines du hameau de Foncebadon. Ce village abandonné m’impressionnait déjà sous le soleil, aujourd’hui il est un peu lugubre. Je peux dire maintenant que je connais le Camino sous tous ses aspects... Reste peut-être à voir tomber quelques flocons de neige... ! C’est l’ermite Gaucelmo qui doit hanter ce chemin au milieu des ruines médiévales. Il est mort ici en 1123 après avoir créé un hôpital. Il apparaîtrait maintenant, que c’est moi qui serais l’anachronisme du paysage...
Retour impératif à la réalité : j’ai la mochila sur le dos, le poncho par-dessus, il pleut et il faut que je me planque très rapidement entre deux murs écroulés pour une envie que je dois satisfaire de toute urgence si je veux éviter une catastrophe... ! Je ne vous en dirais pas plus, mais quand je songe à la situation, cela me fait rire... !
Je reprends ma route en rafistolant mon équipement comme je peux... Soyons optimiste cela pourrait être pire, je suis toujours sur le Camino, donc tout va bien. Je vais m’apercevoir dans ces deux ou trois jours que ma résistance physique est bonne, je vais un peu m’étonner...

1500 mètres "la Cruz de Ferro" vent et pluie...!

La voilà enfin la Cruz de Ferro, je l’aperçois dans la brume, je suis à 1504 mètres d’altitude, c’est le point le plus haut du Camino Frances. Pas question aujourd’hui de voir le soleil ni le magnifique panorama... ! La croix est plantée au sommet d’un poteau qui s’élève toujours sur un grand tas de pierres. Nombreux sont les pèlerins qui ajoutent une petite pierre de chez eux, perpétrant ainsi une tradition millénaire antérieure même à la romanisation. Les Romains appelèrent ces tas de pierres, qui servaient en même temps de limites territoriales, « montes de Mercurio » (monts de Mercure, le dieu patron des chemineaux). L’origine première de ces accumulations de pierres semble échapper à tous à cause de son ancienneté...

Je passe à Majarin, autre hameau en ruine sans m’arrêter dans son refuge de montagne. J’ai grignoté quelques noix de cajou, mais je n’ai pratiquement rien mangé depuis hier soir. Cela va peut-être contenir mes besoins pressants, mais aussi m’affaiblir... !

En approche d’El Acebo, la pluie a cessé.

Le temps s’arrange un peu, le ciel s’ouvre enfin au moment où le chemin redescend et approche d’El Acebo un village encore à 1200 m. De cette hauteur, l’horizon c’est la Galice, province magnifique et attrayante, mais difficile pour le marcheur. Les dénivelés y sont constants...
El Acebo est un joli village de montagne. Maisons de pierres le long d’une rue principale en pente douce et enfin un bar qui me tend les bras. Je commande un café crème avec quelques madeleines, mais avant toutes choses, je me précipite vers les toilettes... La salle est occupée par de nombreux pèlerins, quelques têtes déjà aperçues, mais pas de Michel ni de mes amis espagnols...

Je me suis donné une demie-heure de repos et j’ai mangé un peu, mais très peu... Je réfléchis. À l’origine je devais aller jusqu’à Ponferrada pour une étape de 32 km, mais vue les circonstances je vais sûrement passer la nuit à Molinaseca. Une randonnée plus brève est un peu plus raisonnable. Physiquement je me sens encore bien, mais pour durer, il faut certains jours, éviter de tutoyer ses limites...
Je reprends ma mochila, j’ai encore 8 km à faire pour arriver à Molinaseca. Il tombe toujours quelques gouttes, le chemin est glissant et maintenant tout en descente. Mes deux bâtons sont bien utiles pour l’équilibre et me donner une vraie sécurité.
À peine une heure que je suis sorti du bar et nouvelle urgence... ! L’endroit est mal choisi évidemment. Il pleut, toujours la mochila avec le poncho et en plus le chemin s’est rétréci. Il se faufile au milieu des rochers et des arbustes et pour me masquer à la vue des autres les endroits sont maigres... Qu’importe il y a urgence, je m’écarte comme je peux de la trace du chemin dans une précipitation qui me rend fébrile... ! À peine « installé », j’entends un bruit de voix plus haut sur le chemin, deux jeunes femmes passent à quelques mètres sans deviner ma présence heureusement... !

Le pont à l’entrée de Molinaseca.

Le chemin dévale vers la vallée. J’aperçois enfin Molinaseca et très vite je me retrouve à côté de son église baroque appuyée contre la montagne. Belle arrivée sur le village, je traverse le pont romain sur le Meruelo qui me projette sur la « Calle Real » la rue principale très typée bordée de demeures blasonnées et historiques.
À l’autre bout du village à la sortie vers Ponferrada je trouve le refuge que je me suis donné pour ce soir. Il me faudrait faire encore 7 km pour avoir l’espoir de retrouver mes amis. Il est cependant raisonnable de rester ici.

Il y a un feu de cheminée dans un albergue confortable, et des sanitaires bien agencés non loin du lit où je vais passer la nuit... Après une douche chaude vivifiante, je retrouve autour de la cheminée un groupe de Belges entrevu la veille. Une de ces dames revendique une sciatique grave pour se déplacer avec l’autobus entre deux refuges... ! Je trouve pourtant qu’elle se déplace bien facilement ce soir...

Je retourne dans le centre du village pour faire des achats. De quoi manger légèrement pour ce soir, mais surtout pour faire un passage à la pharmacie et me faire donner un autre traitement. J’ai épuisé les sulfamides que j’avais. La pharmacienne sera efficace et demain me confirmera l’amélioration... En attendant, ça gargouille encore et je reste prudent et surtout attentif à ce que je vais manger ce soir pour ma dînette...

Il est 8h30, je suis déjà dans mon duvet, j’ai fait suivre une bouteille d’eau minérale. Jusqu’à la fin du voyage, je ne prendrais plus d’eau du robinet...
Je suis bien, mon ventre me laisse tranquille, j’espère passer une bonne nuit réparatrice... Je suis toujours sur le Camino... !
Merci à Lui.

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El Peregrino

 Les photos ont été prises par l’auteur pendant son pèlerinage.
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Etape 30 : De Rabanal del Camino à Molinaseca
31 mai 2007, par Bayazid

Cher Peregrino,

Cette étape, avec l’épisode de ta "tourista", est pour moi l’une des plus émouvantes de ton long camino. Continuer avec bonheur et persérérance lorsqu’une épreuve physique vous atteint, c’est ça aussi le lot du chemin.

Ton frère admiratif


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