– As salam alaykum, Pax vobis cum, Namaste, dit-il sans remuer les lèvres.
– Ma Nishma, lui répondis-je, moins pour lui faire remarquer qu’il avait oublié l’hébreu que pour passer pour un polyglotte accompli.
– Je suis un ange, un envoyé de Là-haut, reprit-il en pointant le ciel de sa dextre.
– Laisse moi deviner... Saint Michel ? Saint Gabriel ? Saint...
– Saint Plicité, coupa t-il.
– Drôle de nom !
– Je suis l’ange d’une vertu que l’on appelle « simplicité » le reste c’est toi qui déforme mon propos avec tes idées toutes faites
– Ah !
– Qu’est-ce que la simplicité ? Une vertu bien négligée aujourd’hui dans votre monde soumis au règne de la quantité, de l’éphémère, croûlant sous la masse d’informations qui vous submergent au quotidien. Pourtant c’est elle qui préside à la beauté, à l’intelligence des choses... au véritable Amour. On dit qu’un corps simple est le contraire d’un corps composé Et on appelle corps simple, une substance chimique qui n’est composée que d’un type d’élément chimique. Le corps simple est un corps pur. Cet univers est un corps simple et pur, la simplicité préside à ce que vous nommez « création ».
– Mais la « création » est multiple, dis-je, il y a déjà quatre éléments, quatre directions, les humains, les animaux, les plantes, le ciel et la terre etc...
– Illusion !, coupa-t-il, Illusion, maya ! Tout commence au jardin d’Éden...
– Ah non ! Pas ça, pas ce vieux conte désuet juste bon pour les bigots !
– C’est une image, une parabole, une métaphore, enfin ce que tu veux mais ça signifie quelque chose que l’on ne peut expliquer autrement...
– Bon alors....
– C’est le fruit de la connaissance du bien et du mal, tu sais, l’arbre au milieu...
– Oui, bon et puis....
– Première division : moi/l’autre. Puis bien/mal, car l’acquisition du mental et de son corollaire l’ego, conduit à la comparaison. Le mental compare, c’est même sa fonction : hier, aujourd’hui, demain. Il crée le temps.
– Tu veux dire que c’est mon mental qui crée tout ça ? C’est moi qui crée ?
– C’est bien ce que vous disent les anciens livres, non ? Et c’est ce que dit la Bible dans le Livre de l’Ecclésiaste : « Vanité des vanités, tout est vanité » or le texte original en hébreu dit « Avel, avelim » tu comprends l’hébreu je crois ?
– Un peu, « avel » c’est le petit tremblement que l’on voit au-dessus du sable quand il est chaud. Ce qui voudrait dire à peu près, « vapeur de vapeurs tout est vapeur » ?
– Presque car ce que tu nommes « vapeur » est en réalité « énergie ». Il n’y a qu’une énergie, c’est tout...
– Mais je perçois bien... des choses autour de moi ! Il y a cet arbre, cet oiseau, ces fleurs...
– Ce ne sont pas tes yeux qui voient, c’est ton mental qui recrée un univers à partir d’impulsions électriques. Tu inventes, tu crées tout cela au fur et à mesure de ta balade.
– C’est ça, le Créateur, c’est moi !
– Jésus, après d’autres, vous l’a bien dit : « vous êtes des dieux »
– Si ça c’est de la simplicité alors... Mais pourquoi créons-nous ?
– Par amour.
– Par amour ? Tous ces malheurs et les guerres et le reste...
– Tu vois, tu divises, ton mental s’emballe. Sache que selon la formule d’un de vos grands penseurs « l’équilibre général est égal à la somme des déséquilibres particuliers » (C.F. René Guénon) Mais oui, par amour... Pour éprouver l’amour de l’Un. Et nous revoici au point de départ, la Simplicité.
– Si je résume, tu viens me dire que tout est simple, je suis Dieu, et que je crée un monde compliqué par amour ?
– « Le véritable amour réside dans la simplicité », écrivait Maître Eckhart au XIIIe siècle. C’est en effet un peu ce que je voulais te dire. Mais ce qu’il faut que tu retiennes c’est : Tant que les illusions qui nourrissent l’ego n’ont pas été vues, vous êtes habités par deux maîtres, l’Être et l’ego (la dualité). Pour retrouver l’Unité, il faut se libérer de l’emprise d’un ego souffrant et d’un mental indiscipliné. Et l’illusion est aperçue. Souvent lorsque l’illusion est vue, un immense fou rire jaillit ! Les constructions mentales s’effondrent. Il n’y a rien... Rien ! Dieu n’est-il pas "un Néant sur-essentiel" selon Maître Eckhart ?
L’ange prit alors une apparence plus brillante, plus intense et dit :
– « L’Univers, la Grande Conscience, l’Innommable est un « corps simple, pur » pour reprendre l’analogie de tout à l’heure. Il est infini et par conséquent ne peut avoir de limite. Il ne peut y avoir une limite entre Lui et autre chose... Il n’y a donc que Lui qui explore différents états d’Être...
Au-delà de tout concept et de toute idéologie se profile une Réalité Une, celle de l’Amour divin qui nous habite et nous traverse à chaque battement du cœur du monde, sous ses différentes facettes. Puissent les habitants de la Terre se souvenir de leur nature divine et honorer la puissance de cet Amour. »
Il disparut... simplement.