CHRONOLOGIE DE LA VIE D’ECKHART
Eckhart vécut environ soixante-huit ans. Or, on ne sait presque rien des trente premières années de son existence qui, par conséquent, nous échappe presque pour moitié. Avant la date de 1293, nous ne pouvons faire que des hypothèses. Par ailleurs, nous ignorons également la date et le lieu exacts de sa mort, comme du reste l’endroit où il fut enterré. On le voit, il y a bien des zones d’ombre dans la vie du grand mystique rhénan.
Vers 1260 Naissance en Thuringe (d’où son surnom de Thuringien), sans doute à Tambach, au sud de Gotha, dans une famille originaire de Hochheim.
Vers 1275 ( ?) Entre probablement très jeune au noviciat des dominicains du couvent d’Erfurt, proche de son lieu de naissance, où il se fait remarquer comme un élève brillant, ce qui lui vaudra sans doute de poursuivre sa formation au Studium generale de Cologne.
1293 Eckhart est bachelier sententiaire à Paris. Il rédige sa Collatio in libros Sententiarum, qu’il prononce entre le 14 septembre et le 9 octobre.
18 avril 1294 Sermon pascal.
1294-1298 Première période d’Erfurt (excepté son noviciat). Il est prieur du couvent dominicain d’Erfurt et vicaire de la nation de Thuringe. Die rede der underscheidunge (connu en français sous le titre Instructions spirituelles ou Discours du discernement), premier traité allemand.
1302 L’Université de Paris lui confère le titre de maître en théologie, titre qui restera lié à son nom pour la postérité : frère Eckhart devient alors Maître Eckhart de Hochheim.
1302-1303 Premier magistère parisien. Eckhart est titulaire, à l’Université de Paris, de la chaire de théologie réservée aux dominicains étrangers. Questions parisiennes I et II et Rationes Equardi.
28 août 1302 ou 1303 Sermon sur saint Augustin.
1303-1311 Seconde période d’Erfurt. Eckhart est élu premier prieur provincial de la province de Saxe en 1303, charge qu’il occupera jusqu’en 1311, résident à Erfurt, le centre administratif de la nouvelle province issue de la division de la province de Teutonie. Il a pour tâche de veiller à l’administration de 47 couvents de frères et 9 de sœurs et de les représenter aux chapitres généraux et provinciaux de l’ordre des prêcheurs, ce qui lui impose de très nombreux voyages, souvent longs et fatigants. Au cours de cette période, il prononce de multiples sermons dont on trouve l’écho dans le sermonnaire Paradisus anime intelligentis. Il y transpose en langue allemande l’essentiel de son enseignement donné en latin à l’Université de Paris. Il revenait au prieur provincial d’organiser le chapitre provincial annuel, qui était toujours tenu le 8 septembre, fête de la naissance de la Vierge. Au cours de son provincialat, ces chapitres eurent lieux successivement à Halberstadt (1304), Rostock (1305), Halle (1306), Minden (1307), Seehausen (1308), Norden (1309) et Hambourg (1310).
16-18 mai 1304 Eckhart participe au chapitre général de Toulouse.
14 mai 1307 Le Thuringien est élu vicaire général de Bohème au chapitre général de Strasbourg.
1309-1310 Fonde les couvents de Braunschweig (Brunswick), Dortmund et Groningue.
7 juin 1310 Il participe au chapitre général de Plaisance.
8 septembre 1310 Eckhart est élu provincial de Teutonie.
30 mai 1311 Chapitre général de Naples. L’élection au provincialat de Teutonie n’est pas confirmée. Libéré de sa charge de prieur provincial de Saxe. Le chapitre préfère envoyer Eckhart à Paris pour une seconde fois en tant que professeur de théologie. Honneur exceptionnel, conféré jusqu’alors qu’au seul Thomas d’Aquin.
1311-1313 Second magistère parisien. Lorsqu’il arrive à Paris, Marguerite Porète vient d’être brûlée l’année précédente, le 1er juin 1310, après un procès mené par le grand inquisiteur Guillaume de Paris qui est l’un des confrères d’Eckhart au couvent Saint-Jacques. Marguerite est une béguine du Hainaut, auteur d’un livre intitulé Miroir des simples âmes anéanties, dont certains thèmes majeurs semblent avoir inspiré, ou du moins être apparentés à quelques-unes des thèses centrales qu’Eckhart exposera par la suite dans ses sermons allemands en région rhénane. Ce second magistère parisien est marqué par des travaux universitaires importants : Questions parisiennes IV et V et surtout mise en chantier de l’Opus tripartitum.
1313/1314-1323/1324 Période de Strasbourg. Eckhart quitte Paris pour Strasbourg, chef-lieu de la province dominicaine de Teutonie, où le maître général de son ordre, Béranger de Landora, l’envoie en tant que vicaire général chargé spécialement de la direction spirituelle des sœurs dominicaines et des béguines. Cette période est marquée par une intense prédication vernaculaire. Deuxième et troisième traités allemands : Livre de la consolation divine (Daz buoch der goetlîchen troestunge) et De l’homme noble (Von dem edeln menschen).
1323/1324-1327 Période de Cologne. Eckhart est nommé maître au Studium generale de Cologne, qui avait été fondé par Albert le Grand et dont le rayonnement était très important. Le Thuringien continue à prêcher en allemand. Du détachement (Von abegescheidenheit), quatrième traité allemand.
1325 Chapitre général de Venise. Dénonciation de la prédication en langue vulgaire.
1325/1326 Première mise en cause de la prédication de Maître Eckhart, qui se termine par un non-lieu. Le Thuringien répond à cette accusation dans un traité aujourd’hui perdu, le Requisitus.
1326 Le procès. En septembre 1326, à la suite d’une accusation portée contre Eckhart par deux dominicains, Herman de Summo et Guillaume de Nidecke, l’archevêque de Cologne, Henri II de Virnebourg, ouvre un procès d’inquisition contre Maître Eckhart. Premières listes d’accusation, comportant 49 entrées.
20 septembre 1326 Première comparution d’Eckhart devant la commission chargée d’instruire son procès, laquelle est composée de Reinher Friso et de Pierre d’Estate.
1326 Deuxième liste d’accusation, contenant 59 entrées. Une troisième liste avait été préparée, elle est aujourd’hui perdue. Les deux premières, ainsi que les réponses d’Eckhart, nous sont parvenues dans la Rechtfertigungsschrift (Écrit de défense dit aussi l’Apologie).
24 janvier 1327 Seconde comparution devant Reinher Friso et Albert de Milan (qui a remplacé Pierre d’Estate dans la commission). Eckhart en appelle au pape.
13 février 1327 Eckhart proteste publiquement de son innocence dans l’église des dominicains de Cologne.
22 février 1327 Rejet de l’appel au pape par Reinher Friso et Albert de Milan.
Printemps 1327 Eckhart passe outre et se rend en Avignon pour porter directement l’affaire devant le pape Jean XXII.
1328 En Avignon, une commission pontificale ramène les listes du dossier d’inquisition colonais à un ensemble réduit de 28 propositions, isolées de leur contexte : c’est le Votum Avenionense.
1328 Avis (aujourd’hui perdu) de Jacques Fournier, le futur Benoît XII.
Vers 1328 Eckhart meurt sans connaître l’issue de son procès, sans doute en Avignon ou bien sur le chemin du retour. Peut-être est-il d’ailleurs déjà mort en 1327.
27 mars 1329 Jean XXII promulgue la bulle In agro dominico qui condamne Maître Eckhart de manière posthume pour 17 propositions réputées hérétiques et 11 autres suspectées d’hérésie. Toutefois, la publication de la bulle est limitée au diocèse de Cologne.