INDIA-LOG E-mails expédiés au cours de 5 mois de voyage en Inde |
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15 décembre 2008 - 14:29
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C’est le second message de ce jour. J’aurais passé 10 jours chez les Trappistes que çà n’aurait pas été tellement différent puisque le non-usage de la parole était de rigueur. À quoi s’ajoutait l’interdit de toute activité intellectuelle, lecture et prise de notes comprises. Même pas un petit yoga pour se détendre. Lever 4h, coucher 21h, un petit dèj à 6h et un déjeuner à 12, et c’est tout pour la journée à part une pomme et un thé à 18h. La beauté de la chose c’est qu’on tient le coup et qu’on se rend vite compte que la faim, comme le reste, c’est dans la tête et pas dans l’estomac. En voilà un bon exemple de régime alimentaire alternatif ! Mais il faut dire qu’on ne se remue pas trop : 10h d’assise à contempler son mental, ça n’est pas l’usine. Et pourtant c’est du boulot ! Les trois premiers jours de l’initiation à la vipassana étaient un peu flippants car je ne voyais pas du tout où ils menaient. On me demandait seulement d’observer ma respiration entre le trou des narines et le haut du nez et d’analyser ce qui se passait dans ce court conduit niveau sensation. Bien sûr, il s’agissait de m’amener à constater qu’à la longue je m’emmerdais à sonder mes trous de nez et que je commençais à gamberger. Ah le mental ! le dément mental, le « Singe » des Sages, l’Éléphant Fou ! Ca défile là-dedans comme à la télé, c’est-à-dire n’importe quoi n’importe comment. Et là tu réalises que comme sur le disque dur de ton ordi, comme sur les étagères de ta bibliothèque, comme dans le grenier et les coins sombres de chez toi, ta tête est farcie de trucs futiles, inutiles, qui n’ont pas servi depuis des lustres et que tu aurais dû bazarder depuis longtemps. C’est alors que resurgit un des thèmes favoris des bouddhistes : la question des attachements. On s’attache aux choses, aux êtres, aux idées ; ils vous collent, vous alourdissent, vous empêchent d’avancer, d’aller voir plus loin. Pire : de percevoir la réalité des choses. Les bouddhistes appellent cela l’Ignorance. Cet exercice respiratoire a donc une visée philosophique mais quand j’attrape un rhume dès le début du 2e jour, il devient moins éclairant car mes inspirations métaphysiques deviennent des reniflettes. Des kleenex calés entre mes jambes croisées, je mouche aussi discrètement que possible, mais quand j’éternue dans le hall rempli d’une soixantaine de personnes, j’ai l’impression d’être un empêcheur de méditer en rond. Et lorsque le teacher qui nous convoque par groupe de 4 tous les deux jours me demande si j’ai des sensations, je lui réponds que j’en ai tout plein autour du nez mais que dans les narines c’est bloqué. Il n’apprécie pas ma réponse et me demande alors si je suis la pratique régulièrement : Non, je ne me suis pas levé à 4h ce matin, j’avais passé une nuit impossible dans la cellule plutôt froide à me demander si j’allais pouvoir continuer ce stage, donc j’ai traîné sur ma paillasse jusqu’à l’heure du petit dèj. Alors là, il me fait les gros yeux, me gronde comme un mauvais élève, me dit que je suis là pour suivre la règle imposée, pire : que j’ai choisie de m’imposer, que je ferais mieux de la respecter pour mon bien. Et c’est lorsque j’entends ricaner un des jeunes participants du groupe. Du coup, pendant la courte méditation collective qui suit, je me sens pris d’une suée malariale, une véritable liquéfaction du visage. Je rouvre les yeux et le teacher me pointe un doigt sous le nez et me dit : That, is a sensation !. De retour sur mon coussin, je cuve, me refroidis et me rends compte que j’ai piqué une colère parce que j’ai été pris en faute, injustement accusé de paresse et humilié. Et mon Ego surgit, là, tout à coup, sous mes yeux, bien visible, palpable presque, gonflé d’indignation. Et je prends conscience qu’il n’est pas autre chose qu’une création du mental, un « objet » imaginaire, transparent, transitoire, sans substance. Toutes choses qui avaient été discutées au cours de la première retraite, que j’avais comprises intellectuellement et que j’éprouvais maintenant. À l’heure des questions, j’ai demandé à rencontrer le teacher. Serein, il me dit que tout le travail qui se fait ici consiste justement en cela : brûler les impuretés, les négativités, et ça sent mauvais, mais c’est nécessaire. Il m’a assuré que mon rhume allait vite passer et que j’allais bien travailler maintenant. J’étais tout de même assez content de voir la fin de ces 10 jours. Il y a des athlètes de la méditation ; je n’en suis pas. |
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