INDIA-LOG E-mails expédiés au cours de 5 mois de voyage en Inde |
Date
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17 décembre 2008 - 11:37
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Tu l’auras compris, une vipassana ce n’est pas exactement des vacances de méditation. Ceux qui se seraient dit sur la foi de leur guide : tiens sympa, c’est gratos (on ne paye qu’à la sortie et encore c’est une libre donation et vraiment on ne force pas la main), sont vite détrompés. Ainsi cet Espagnol qui s’est jeté au bain sans savoir ce qui l’attendait, simplement pour accompagner sa copine : au bout du 3eme jour, il pète un câble. Les yeux hagards, il se met à marcher de façon saccadée, à claquer des doigts sur un rythme rock, il cherche à faire le mur, sortir de là vite fait, mais les 2 dhamma workers, les assistants du teacher veillent. Familiers de telles réactions, ils ramènent doucement le bouillant hispanique au bercail, et il finira le stage dans un état de prostration avancée, la tête enveloppée dans une cotonnade imprimée Hare Rama Hare Krishna. Le jour 5 sera fatal à deux Anglo-saxons de mon groupe de discussion. Tout semblait pourtant aller bien pour le jeune tondu exubérant orné de deux anneaux dans chaque oreille et pour son copain le rocker à la crinière léonine et au saroual surdimensionné. Mais ce cinquième jour, en réponse aux questions du teacher, le rocker prostré admet qu’il est en pleine confusion mentale, et le tondu qui avait toujours une réponse à tout, avoue qu’il ne médite plus. Le lendemain, leurs coussins restent vides dans le hall de méditation ainsi que leur double cellule en face de la mienne. Piercings et Dreadlocks ont dû s’éclipser discrètement aux petites heures de l’aube. Leurs convictions New Age n’ont pas résisté au décapage de la vipassana. Les regards qui se perdent dans les profondeurs intérieures, les coups de froid psychosomatiques comme le mien, les épaules qui s’affaissent dans la dépression ou la fatigue, sont monnaie courante. Les 5 premiers jours, tu as l’impression de flotter dans un univers de zombies, par contre les habitués de la chose entrent tout de suite dans cet état d’esprit particulier que recherchent les contemplatifs, les méditatifs, les ascètes. Ces habitués sont souvent de grands types minces, tout en longueur, comme « montés en herbe », front large et cheveu rare, visage comme aspiré par le ciel, que la tradition picturale occidentale attribue aux saints, aux ermites et dont l’apothéose dans l’expression de la mysticité revient aux figures du Greco. Mais les ascètes de l’extrême, les champions de l’abstinence par exemple, n’ont pas leur place ici car, nous expliqua-t-on, le long jeûne du futur Buddha n’avait résulté qu’en son émaciation et non pas son Éveil. Mais j’ai remarqué aussi un gros monsieur à moustaches de flic facho, des Japonais aussi impassibles que le Fuji-Yama, des Allemands rigides dans leurs chemises à rayures et leurs pantalons à plis, un croupier de Vannes, un barman British gay, un instructeur de rafting Thaï, un vieil Anglais délabré, un chef de cuisine Hollandais qui en est à sa 7eme vipassana, un ado Indien que sa famille a dû envoyer là pour qu’il se calme, des compatriotes à l’air d’employés de banque, des retraités locaux qui, comme moi, sont en quête de sérénité pour les dernières longueurs. Tout un monde dont j’ai fini par faire la connaissance le dernier jour quand le « noble silence » s’est rompu afin que nous redescendions peu à peu des cîmes. J’allais oublier les femmes, encore plus nombreuses que les hommes, mais séparées de nous, comme jadis dans les églises de province ; des femmes qui se manifestent par des cliquètements de bracelets et parfois par des crises de larmes, des rots et des pets qui par deux fois détendent à ce point l’atmosphère de concentration qu’un fou rire se déclencha au grand mécontentement du teacher. Ceci dit, l’esprit, le mental, c’est vraiment la frontière ultime à explorer. La conscience ne serait-elle pas une composante de l’univers au même titre que la matière et l’énergie ? Mais alors les prodiges des lamas, les miracles, la transmigration etc. seraient vrais, du moins vraisemblables. L’intellect, non plus que notre cartésianisme, n’aidant à appréhender ces phénomènes, il faudrait donc s’abandonner à la foi ou comme on dit ici, à la dévotion et l’amour désintéressé des autres. L’Occident frileux du chacun pour soi est loin de s’en approcher, à quelques personnes que je connais près. Finalement, on ne peut que souscrire à ce vœu bouddhiste : Puissent tous les hommes être heureux ! |
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