La découverte d’une vocation
Rencontre avec le Docteur Le Danois
mardi 9 octobre 2007

par Malwenn


En septembre 2005 nous découvrons la publication du livre "Les Illuminés de la colline" témoignant d’une expérience de médecine de groupe. Cette expérience de groupe et d’individus nous a paru très intéressante et source de bien des réflexions pour notre temps présent. Nous avons pu rencontrer l’un des cinq auteurs, Alain Le Danois, et sommes heureux de pouvoir transmettre ce témoignage si humain et encourageant.

Docteur Alain Le Danois, vous avez vécu un parcours professionnel de médecin généraliste un peu particulier, pouvez-vous nous en parler ?

Ce qui est particulier, à mon sens, c’est la manière dont je me suis décidé avec des jeunes qui, comme moi, finissaient leurs études : exercer d’une manière précise, et très particulière à l’époque, en médecine générale.

Pour expliquer ça, il faut un tout petit peu remonter le temps. Les études de médecine ouvrent sur de nombreuses branches. Donc, très souvent, lorsqu’on fait ses études, on commence en sachant qu’on veut être médecin, mais on ne sait pas si on veut être dans un laboratoire, si on veut être professeur, si on veut être... tous les métiers de la terre ou presque ! Ce n’est que vers la fin du parcours des études que je me rends compte petit à petit que c’est plutôt la médecine générale qui m’intéresse. A cette époque là, nous n’étions pas tous obligés d’être Internes des hôpitaux, il y avait d’abord les concours d’Externat puis d’Internat et de Clinicat [1] éventuellement.
Au moment où je commence mon Internat qui dure trois à quatre ans, en 1958, après les événements d’Algérie : j’ai 30 ans ; je passe dans différents services et me rends compte petit à petit que c’est vraiment la médecine générale qui m’intéresse.
Je fais deux remplacements, un en milieu urbain à Nantes qui se passe très bien et un en milieu rural : là, je me dis que je ne ferai jamais ce métier-là, si ça se passe comme je l’ai vécu. J’y suis avec ma femme et déjà deux enfants pour remplacer pendant un mois ce médecin rural que je connaissais. Je me suis dit : « Ça c’est chouette comme boulot ! Mais sûrement pas sous ces contraintes : les coups de sonnette nuit et jour, la femme réveillée, les enfants qui pleurent, qu’est-ce qui se passe dans la maison ? C’est quelqu’un qui sonne, il faut tout de suite venir, la panique des personnes qui appellent, et la panique pour la famille. » Cette découverte est capitale parce que la protection de ma famille sera un des éléments principaux qui m’amènera à vouloir exercer d’une manière différente.

A cette époque, je m’oriente petit à petit vers la pédiatrie : médecine générale d’enfants, ça m’allait de mieux en mieux. Un patron me fait signe, me demandant si le Clinicat m’intéresse. C’est l’échelon au-dessus de l’Interne, juste avant l’Assistant agrégé. C’est la porte ouverte vers la « voie royale », de futur Patron, Chef de service. Bien sûr j’accepte, voyant là l’occasion de me perfectionner (mais ... n’envisageant pas les grands concours jusqu’à l’âge de 40...45 ans !).

Finalement vous avez exercé en tant que médecin généraliste. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Alors que je suis Interne en pédiatrie, un beau matin, à l’heure du déjeuner, un autre Interne, Jacques Beaupère, m’interpelle par une fenêtre d’un secrétariat : « Le Danois, tu ne ferais pas un groupe ? ». Je n’y connais rien, donc on en reparle au cours d’un déjeuner. Là, je découvre la Sécurité Sociale dont je n’avais jamais entendu parler (on s’en f... complètement pendant les études). Je n’avais jamais entendu parler non plus de groupes médicaux, généralistes ou spécialistes. Il m’explique tout ça. Je me dis qu’effectivement c’est un moyen de s’organiser, et il ajoute qu’il faut être au moins trois. (A deux, c’est une Association avec ... presque toujours l’un qui domine l’autre). Je suis toujours Interne en pédiatrie puis chef de clinique tandis que l’on continue d’en discuter pendant un à deux ans : Comment ? Où ça ? Avec qui ?

Le troisième larron, je suis allé le chercher. Un jeune médecin rural avec lequel j’avais préparé le concours d’Internat. Lorsque je suis allé le rencontrer pour lui parler de cet éventuel « groupe », je n’ai pu en discuter que dans sa voiture, pendant qu’il faisait ses visites et par morceaux parce qu’il n’avait pas le temps de me voir autrement.

Alors je lui ai demandé :
 Quand est-ce que tu te reposes ?
 Trois ou quatre fois par an, je pars à Paris où à Nantes, avec ma femme, pour deux jours. On disparaît. Je prends l’argent dans le tiroir, ...
 Mais tu gagnes beaucoup ?
 Je ne sais pas ce que je gagne, j’en mets plein mes poches.
Sa femme achète un beau meuble, ils sortent, ils vont au resto, il revient et reprend son boulot.
 Et comment tu fais pour travailler, pour lire, pour... ?
Alors je lui reparle de notre histoire de groupe et enfin je lui dis :
 Réfléchis, je rentre à Nantes.
C’est lui, qui, quelques mois après, s’est décidé.

En 1958, la médecine connaît de grandes modifications. C’est l’année de publication de la loi Debré réunissant hôpitaux et facultés : les CHU, Centres Hospitalo-Universitaires. Avant cette loi les spécialités étaient en cours de création (neurologie, ORL, pédiatrie, dermatologie, etc.) et les chefs de service exerçaient leur spécialité ou orientation en cabinets personnels, chez eux. Ils venaient quelques heures par semaine à l’hôpital ou quand il y avait une césarienne, ou quelque chose de compliqué, c’est tout. Le reste du temps, c’était l’Interne et le Chef de clinique qui animaient le service avec des assistants, eux aussi « intermittents ».

Avec la loi Debré, c’est : « Vous n’allez plus continuer à gagner votre pain chez vous, vous allez venir dans les hôpitaux à plein temps, avec un bon salaire. » Pour les encourager, ils avaient droit, et c’est encore le cas, de garder 5 à 10% de leur activité avec des clients qu’ils suivaient depuis longtemps. C’est donc la création du plein temps hospitalier et du plein temps universitaire d’un côté, de l’exercice libéral, de l’autre coté : c’est dans ce contexte que nous sommes en pleine période de discussion à propos du groupe, envisageant au départ 3 généralistes, et 5 dès que possible (ce sera en 1968)..

Lors de son Internat, le docteur Beaupère, initiateur du groupe, a rencontré le professeur Nedelec, spécialiste des reins et patron d’urologie. A noter aussi que ce professeur fut le seul patron qui ait accepté d’emblée le plein temps hospitalier à Nantes. Il lui dit : « La médecine générale, c’est essentiel (c’était l’un des rares qui pensait ça). C’est essentiel dans l’organisation de la santé. Si les médecins généralistes sont bons, tout le reste suivra. Si les médecins généralistes ne sont pas bons, c’est la catastrophe. » Et il ajoute : « C’est la médecine générale qui prime mais il faut que tu découvres comment ça fonctionne à plusieurs » en lui conseillant d’allez voir un pionnier : le docteur Marçais à Sablé (Sarthe 72), généraliste en groupe. Jacques Beaupère fait alors sa thèse sur la médecine de groupe en France.

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Malwenn

 

Les photos sont extraites de la revue "Nantes au quotidien" (décembre 2005) avec l’aimable autorisation de la Mairie de Nantes.


[1Clinicat : titre de celui qui est Chef de Clinique et forme les étudiants

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Il y a actuellement 2 contribution(s) au forum.


Une patiente de Nantes
28 octobre 2011, par Françoise

Je suis de Nantes et une ex patiente du docteur Le Danois, je devrais dire ex amie tant les relatons patient médecin, étaient ouvertes
Souvenir ineffable d’un grand monsieur...............................


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