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Médecin et patient : une co-responsabilité face à la vie et la mort
Rencontre avec le Docteur Le Danois
jeudi 18 octobre 2007

par Malwenn


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Madame Simone Veil

A l’époque vous avez dû être confronté au problème de la contraception et de l’avortement, quelle a été votre position ?
Là, beaucoup n’ont rien compris à mon comportement. Alors ça, aussi bien tous les cathos nantais, la grande bourgeoisie nantaise, le milieu médical, ils n’ont rien compris à Le Danois. Mais ce qui fait que je n’ai pas été en taule, et que je n’ai pas été poursuivi, c’est uniquement parce qu’ils savaient que ce n’était pas une question d’argent pour moi.
Un de mes patrons de gynéco obstétrique, avec qui j’ai appris à faire des accouchements et des curetages, était un membre éminent du Conseil de l’Ordre. Quand il a su que je faisais des interruptions de grossesse, quand il a vu un courrier que j’avais envoyé à la presse avant la loi, pour réunir des confrères, il m’a envoyé une lettre en me disant : « Le Danois, je ne vous comprends pas. ». Et là : la morale, le discours. Et je sais que celui-là, il ne m’a pas poursuivi parce que j’aurais pu lui répondre : « Mais moi, Monsieur, je vous ai vu signer des feuilles de soins avec trois mille francs alors que la personne vous en avait donné cinq mille. ». Enfin bref, si j’avais été en prison, je me serais défendu. Mais, sur l’argent encore une fois. Je pense que je n’ai pas été poursuivi parce qu’en tant qu’Interne, Chef de Clinique, ils m’ont toujours connu comme travailleur, ils m’ont toujours vu aimer mon métier, ils m’ont toujours senti comme un type honnête ; et l’argent n’était pas dominant pour moi (mais il l’était pour eux !). Je crois que ça c’est ce qui m’a permis de ne pas être poursuivi, franchement. Ceux qui m’ont compris un petit peu savaient que je faisais ça probablement pour aider les gens.

Est-ce que votre pratique de l’avortement vous a attiré une clientèle importante supplémentaire ?
Ah non ! De toutes manières, avant la loi, ça ne pouvait pas être l’afflux connu. Cela n’aurait pas été possible parce que j’aurais été vraiment en prison. Les risques étaient moins importants pour moi du fait du mouvement de la société, en France, vers 1965-1970, sur ce sujet. Pendant deux, trois ans avant la loi, il y a eu le procès Gisèle Alimi, puis il y a eu les trois cent quarante notabilités françaises qui avaient signé un papier en faveur de la contraception et de l’avortement dirigés, médicalisés.

Je me suis rendu compte qu’il fallait que la loi change, donc pendant deux ans, et c’est mon côté pratique, j’ai trouvé cinq à six médecins qui se sont engagés avec moi à faire un protocole précis : on utilise tel produit, à telle dose, tant de temps, on suit la personne avant, après, on collecte tout ça et un jour, nous avons réalisé un dossier solide avec une synthèse sur quatre cent vingt six interruptions de grossesse. Je m’adresse au docteur Corman, un grand patron en retraite, qui accepte de signer le dossier que l’on envoie à Madame Veil, avant la loi, et qu’on a pu publier auprès des médecins sous le nom du Professeur Corman. Les médecins qui voulaient des précisions devaient passer par l’organe de la presse médicale française qui s’adressait à Corman. Corman pouvait me dire : « Voilà, le Docteur X de Carpentras pose telle question à propos de l’avortement. » Je répondais par le même canal mais personne ne savait qui c’était. Donc j’étais protégé de ce côté-là. Pour moi, le drame humain passe avant toutes les lois. Vous voyez, il y a eu là un courant qui devenait fort et qui en même temps pouvait me blanchir un peu.

Extrait de publication
Bilan réalisé à partir de 486 interruptions de grossesse (5/10/74)

En tant que médecin et en tant qu’homme, du point de vue de la religion, de l’interruption d’une vie, qu’elle est votre perception complète de ce choix ?
Je suis beaucoup plus celui qui fait que celui qui cogite. Je cogite quand j’ai les mains dans le cambouis. Ce qui a primé pour moi, ce sont des femmes, toutes jeunes pour la plupart. C’était atroce de voir des jeunes filles, quatorze, quinze ans, seize ans, enceintes par le père, ou leur oncle ou un parent, c’était assez souvent le milieu familial. Elles étaient en train, presque toutes, de mourir. Je vous le jure, là il n’y a plus de règle, il n’y a plus de loi, il n’y a plus de règlement pour moi. Il y a une femme qui va mourir, et je l’aide.

La question de l’interruption d’une vie, du point de vue de la religion ; ma perception complète ?
Je crains de partir dans de grands débats philosophico-ésotériques... qui ne mènent à rien ! Là encore je pars de situations concrètes, de l’humain, de ce que nous avons vécu et de ce qui se passe encore actuellement depuis des années (autour de 200 000 I.V.G. [1] par an, heureusement médicalement, donc sans suites...) faute de prévention responsable !!!

Bien sûr on aborde là le tabou vieux comme le monde, de l’individu qui s’autorise à donner la mort ; situation aggravée si l’on est médecin, formé à permettre la vie. Le jour de ma thèse en médecine, mon père, avec son humour habituel, à froid, me félicite, disant : « Hé bien, maintenant, tu as le droit de faire mourir quelqu’un ». J’étais resté pantois !!! Bien des années plus tard, je crois avoir compris ce qu’il m’enseignait sous cette boutade : la solitude et la responsabilité personnelles dans des situations extrêmes. Ces situations sont encore vécues : lors des interruptions volontaires de grossesse, lors de fins de vie programmées par certaines personnes.

En 1962-1963 et années suivantes, nous, médecins généralistes, nous nous sommes trouvés confrontés à des situations dramatiques de grossesses non voulues suivies d’avortements provoqués dans des conditions désastreuses à tous points de vue. Etant en groupe, nous avons pu en parler entre confrères, constatant alors notre désarroi ! Il n’était plus question de débattre du sexe des anges !

Et contrairement aux lois, à la morale chrétienne en particulier catholique, nous avons enfreint les interdits. C’est-à-dire pratiquer des I.V.G. avec la technique la plus sûre médicalement, donc faire disparaitre les complications hémorragiques, infectieuses, etc. Ce qui s’est réalisé par bonheur pour ces femmes et par bonheur pour nous qui avons pu éviter les poursuites judiciaires et ordinales (jusqu’à la loi Veil 1975). C’est-à-dire aussi éclairer le mieux possible la notion de vie, d’être humain, à partir de quels critères ? La multiplication de cellules à partir de l’ovule fécondée par le spermatozoïde va se faire pendant quatre, cinq, six semaines (aspect d’éponge, d’anémone de mer translucide flottant dans le liquide). La différenciation cellulaire en futures cellules digestives, cardiaques, neurologiques se fait lentement ensuite, six, sept, huit semaines (toute la grossesse et au-delà). Des petits mouvements fœtaux sont repérés par imagerie médicale, alors, et même par... quelques rares femmes dont le désir d’enfant est très, très fort. Cet élément relationnel est pour nous fondamental, témoin de vie humaine, d’être humain (attendu), qui se situe donc à partir de 8-10 semaines...

L’I.V.G. doit donc se faire, si elle est voulue, décidée par la femme, quasiment toujours autour de 8 semaines de la date des dernières règles (8 semaines d’« aménorrhée »).

La plus grande difficulté, pour moi, a été et est encore de savoir débattre longuement avec la femme concernée, pour l’amener à bien analyser, bien comprendre les enjeux de sa décision. S’il est vrai que l’I.V.G. reste à chaque fois une décision lourde (contrairement à ce que disent certains) je peux avancer que dans plusieurs cas (environ 10%) nous avons eu la joie de voir des jeunes femmes transformées d’avoir posé, elles, quasi seules, leur premier acte responsable. J’ai été heureux d’avoir aidé, dans ces cas, au développement de la personnalité de ces femmes.

En ce moment nous sommes confrontés à un problème semblable : le choix de la fin de vie. Je ne parle pas de l’aide à personnes en coma dépassé, aux stades ultimes de cancers évolués, etc., situations complexes du fait que la plupart des personnes (voire d’entre nous) n’indiquent pas leurs volontés de façon écrite, réactualisée de 3 en 3 ans, avant les drames. Je laisse aux philosophes et débatteurs de tous ordres ce débat. A nous d’être prévoyants, en faisant connaître nos « Volontés anticipées ».

Je parle de personnes plus ou moins âgées selon les circonstances (disons 60 ans et plus, quelque fois beaucoup moins) parfaitement conscientes, sans maladie évolutive s’accélérant, qui estiment ne plus pouvoir supporter une déchéance progressive, ni une assistance de plus en plus importante. Ces personnes, lucides, n’obtiennent pas de réponse concrète à leur demande de fin de vie dans la dignité, ni de leur médecin généraliste, ni de personnes des services de santé (infirmière, aide-soignante, etc.), ni d’associations telle J.A.L.M.A.L.V. ("Jusqu’A La Mort, Accompagner La Vie") ou A.D.M.D. ("Aide au Droit à Mourir Dignement").
Alors, des paroles ? Des paroles ?

Un débat largement ouvert, répété, doit, petit à petit permettre les conditions d’encadrement de ces personnes motivées, lucides, responsable de longue date ... !

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[1I.V.G. = Interruption Volontaire de Grossesse

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