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Il n’y a que deux mentions certaines du prophète Elie dans le Saint Coran (37 : 123 à 132 et 6 : 85)
La première nous situe Elie dans son rôle de redresseur des religions et son nom y est donné sous deux formes différentes : Ilyâs et Ilyasîn.
La seconde mention le place dans la série des prophètes à la fin du récit de la conversion d’Abraham.
Notons qu’il est cité, sans souci de la chronologie à la suite directe de Jean et de Jésus (Yahya et Issa). Ceci le désolidarise du contexte vétéro-testamentaire, et le place dans une lignée bien particulière.
Ce détail nous met sur la voie de l’identification faite par la tradition islamique d’Elie avec le serviteur, maître initiateur de Moïse dont il est question dans la sourate 18 : 60ss. Ce serviteur est aussi nommé Khadir ou Khèdre, ce qui signifie le verdoyant [1], donc l’immortel.
Dans ce dernier récit, le prophète reçoit le titre de Abd’, ce qui signifie serviteur de Dieu. Mais cela implique qu’il ait reçu, dixit le Coran, "une miséricorde et une science particulière". Cette science est une connaissance de foi. Elle ne repose pas sur des raisonnements humains, mais sur une communication directe de Dieu.
En Islam,
Elie est donc le type du prophète. Il n’a d’autre raison d’être que celle de "serviteur du Seigneur".
Il est mandaté par Dieu pour mener dans la Voie ceux qui ont de grandes tâches à accomplir ; c’est à lui qu’il appartient de les initier. Sa présence en Islam est liée à la dimension eschatologique du dessein divin.
Louis Massignon dira : "C’est en Islam que le rôle transhistorique de la personnalité immortelle du Saint est le plus perceptible."
Selon cet auteur, c’est à l’inspiration d’Al Khadir que les mystiques musulmans ont propagé des prières pour le bien de la communauté et ses apparitions sont innombrables depuis les origines.
Le peuple musulman vénère Khadir Elyas à certaines dates et en certains lieux, dont, curieusement le couvent des Carmes Déchaux, religieux chrétiens, à Bagdad.
La dévotion à Elie se signale, en Islam, par le port du manteau et de la khirqa, sorte de scapulaire dérivé du tablier.
Il faut également évoquer la "khadiriya" ou assistance spirituelle, à voix basse, dans le secret du cœur, propre aux disciples d’Elie, assez proche de la prière du cœur ou de la perception du Maître intérieur.
Khadiriya est aussi le nom de la chaîne initiatique et spirituelle reliant tous les membres passés ou présent d’une tariqa, c’est-à-dire une confrérie initiatique sûfi.
Car Khadir, Elie, est le père fondateur des mystiques musulmans ou soufis et ce sont ses apparitions qui depuis le XIIème siècle au moins sont à l’origine des fondations d’ordres initiatiques.
Elie est considéré comme le directeur spirituel de ces fondations, il préside au "dhirk", prière invocatoire, mémoire des 99 noms très saints d’Allah.
On peut dire pour résumer, qu’en Islam, Elie est un Archétype cyclique, initiateur d’une spiritualité apophatique et unitive par les moyens de l’invocation des noms divins et de la prière silencieuse du cœur.
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