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Sous les pieds du cheval de Saint Jacques...
Tours et détours en prélude au Chemin...
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Tours et détours en prélude au Chemin...
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Moi non plus, je ne savais pas ! Et je découvre dans ce film drôle, juste, merveilleusement construit que c’est vers Saint Jacques le Matamore que je vais marcher ! C’est un peu déroutant... Intriguant aussi... Certes, l’image est presque inconnue du patrimoine français... C’est une vision espagnole du saint qui date de la "Reconquista", cette époque moyenâgeuse au cours de laquelle les arabes sont chassés de la péninsule ibérique. La première apparition du saint vêtu de blanc et chevauchant un blanc destrier, pourfendant les Maures qui sont à terre devant lui, date de la bataille de Clavijo en 844... Bon ! C’est bien gentil toutes ces histoires, mais puisque j’ai décidé de partir, il faudrait que je m’occupe un peu de l’aspect matériel de cette aventure : entraînement et équipement se doivent de devenir mes deux maîtres-mots ! Marcher, marcher pour s’entraîner ! Pas si simple quand on habite au coeur d’une capitale, que l’on a un emploi du temps chargé et qu’il faut compter des heures pour s’échapper de la pollution ambiante et autant pour y retourner... Me reviennent alors à l’esprit les paroles d’une chère et défunte amie qui avait découvert à l’âge de la retraite le "pèlerinage près de chez soi". Tu sais, m’avait-elle dit, en décidant tout simplement de te rendre à pied dans tel ou tel sanctuaire parisien sans prendre le métro, tu fais un pèlerinage ! Et c’est ce qu’elle pratiquait avec bonheur ! Me voilà partie, faisant fi des gaz d’échappement ! Direction : la basilique du Sacré-Coeur ! C’est à l’autre bout de Paris, j’aurais le temps de marcher et même d’expérimenter un bon dénivelé ;-) Première pause dans la chapelle de la médaille miraculeuse rue du Bac. C’est un lieu qui ne m’a jamais touchée beaucoup, mais j’aime le dessin qui est sur la médaille. Tiens ! Je vais en acheter une qui m’accompagnera sur le Chemin ! Et c’est d’un pas joyeux que j’arrive au Sacré-Coeur ! [2] A travers les rues, j’ai vécu mille clins d’oeil de la Vie... Ainsi, il suffit de se mettre dans la démarche particulière du pèlerin pour que le "paysage intérieur" transfigure le paysage quotidien ? Comme c’est intéressant ! Bon ! Et pour le reste ? J’épluche par le menu les catalogues d’articles de sport dès leur parution à la fin de la saison du ski. Je découvre des matières "respirantes", d’autres que l’on dit "anti-UV"... Tel créateur se spécialise dans les articles les "plus légers du marché", tel autre propose "tout le nécessaire pour traverser le Népal"... J’achète un bon guide et en commence la lecture avec attention pour orienter ma préparation : "Partir à Compostelle" [3] Il pose nettement les deux enjeux du sac à dos du pèlerin :
Et il est vrai que sa liste du strict nécessaire effraie un peu par sa brièveté... Deux paires de chaussettes, pour ne prendre qu’un exemple, est-ce bien suffisant ? Et si...? Mais au cas où... ? Décidant qu’il me faut choisir librement sans rien prendre au pied de la lettre, je fais ma propre liste sur la feuille de calcul d’un bon logiciel. Je pèse tout en détail devant mon ordinateur avec ma balance de cuisine... et l’addition se fait toute seule... 8, 10, 11 kg et avec les deux litres d’eau, cela fera 13kg sans compter le repas ! Ouhlala ! Ca commence à faire !!! On me conseille des cours de gym pour me muscler... Pas le temps d’ajouter cela sur mon calepin de "ministre" ! Un conseil plus précis que je pourrais mettre seule en pratique ? Oui, lever les genoux le plus haut possible en montant les escaliers, cela prépare aux dénivelés du Chemin... Et me voilà dans tous les escaliers du métro levant les genoux jusqu’au menton ou presque sous le regard parfois inquiet, d’autres fois amusé de mes voisins ! Depuis trois mois, dans tous les escaliers, je monte les genoux en m’efforçant de garder une concentration et un sérieux parfaits comme si ma démarche était parfaitement naturelle ;-) Et le trajet ? Les étapes ? Alors là aussi, ça se prépare ! Bien sûr, on peut partir avec simplement le topo-guide en poche et se dire que l’on dormira là où ce sera possible ! Pour ma part, je préfère prévoir, du moins pour cette grande première et sur ce trajet au départ du Puy qui est très fréquenté. Je calcule et recalcule la longueur des étapes. Je cherche les hébergements possibles. Et là ? Y a-t-il possibilité de dîner ou bien faut-il cuisiner soi-même ? J’épluche les guides des régions traversées pour déceler les curiosités à ne pas manquer... L’aventure commence sur le papier ;-) [4] Plus tard, Saint Jacques le Matamore est apparu outre-Atlantique et il a soutenu et légitimé les Conquistadores... Ensuite, vers 1800, les Espagnols l’ont invoqué pour lutter contre les armées de Napoléon... Et puis, il réapparaît à partir de 1936 quand le général Franco et les nationalistes voient en lui le symbole de la nouvelle reconquête qu’il faut mener contre les "rouges", les "libéraux". [5] Voilà qui n’arrange pas la perspective mystique et spirituelle de mon pèlerinage !!! Par contre, j’ai bien enregistré les conseils pour la marche et lors d’un passage à la campagne, je teste une bonne volée de kilomètres. Conseil N°1 : partir toujours lentement pour échauffer doucement les muscles. Logique... bien sûr ! Et je réalise qu’en bonne parisienne pressée, je sors tous les jours de chez moi comme une bombe pour attraper le métro in extremis et arriver à la dernière minute ! Marcher doucement au départ est un réel effort pour moi... Comme une sorte de rééducation... A la suite de la lecture des "Etoiles de Compostelle" d’Henri Vincenot, je découvre l’ouvrage de référence de Louis Charpentier "Les Jacques et le mystères de Compostelle" [6]. Toute la littérature ésotérique et traditionnelle qui lui est postérieure cite et utilise largement les travaux de cet auteur. La thèse qu’il présente est que ce chemin de la Voie Lactée, cette route vers le grand Ouest et ses pendants au niveau de la Bretagne et du sud de l’Angleterre, seraient des routes de pèlerinage vers l’Océan d’où auraient débarqué de lointains ancêtres venus d’un continent perdu et apportant pour le transmettre aux populations locales ce qu’ils pouvaient offrir d’une connaissance avancée. Ces routes seraient donc avant tout des chemins vers la Connaissance et à ce titre, elles auraient depuis des temps lointains été parcourues par des manuels : maçons, charpentiers, tailleurs de pierre, etc. cherchant tout à la fois à pratiquer et à perfectionner leur art au contact des autres. [7] Les "marcheurs" prirent des noms divers à travers les âges. Parmi eux, les Enfants de Maître Jacques, les Loups, les Jars, les Jacques, les Compagnons passants de Maître Jacques, les Cagots, etc. Certains d’entre eux portaient sur l’épaule le signe de la patte d’oie... Conseil N°2 : bien s’hydrater afin de prévenir les problèmes divers. Comme j’ai ri lorsque l’on m’a parlé pour la première fois de poche à eau et d’un tuyau que l’on tête en route pour ne pas avoir à s’arrêter ;-) Non ! Moi : jamais ! J’ai le sens du ridicule !!! Et voilà qu’au cours de cette randonnée, j’éprouve souvent la sensation de soif car "je ne vais quand même pas m’arrêter encore ici et poser mon sac et tuttti quanti ! Je boirai... là-bas !" Et "là-bas" est bientôt dépassé et je ne me suis pas arrêtée pour boire... Bon... Je vais repenser la poche à eau ! "La Voie Lactée", ce sont les nouveaux mots que je teste dans les moteurs de recherche et je découvre... "La Via Lactea", un film de Luis Bunuel que je me procure sous le titre de "The Milky Way". Deux pèlerins de notre temps (le film date de 1969) traversent la France puis l’Espagne vers Saint-Jacques-de-Compostelle et ils assistent à diverses scènes d’époques diverses toutes relatives au dogme religieux et toutes plus surprenantes les unes que les autres ! Les thèses présentées ne sont pas toujours faciles mais l’on croise là dans une mise en scène parfaitement propice à ce que l’on n’en perde pas une miette : Arius, Priscillien et bien d’autres... Conseil N°3 : pratiquer en route quelques étirements pour détendre les muscles. Allez ! Je ne me souviens plus très bien les positions du guide mais je m’étire... Aïe ! Mon genou ! La position n’était bien sûr pas bonne et une vieille douleur revient au premier plan. Celle-là même qui m’a fait cesser la randonnée il y a plus de quinze ans... Là, c’est la Peur avec un grand P... Celle qui m’avait tant fait pleurer lorsqu’un jeune médecin de province m’avait annoncé que c’en était fini pour moi des longues marches, qu’il faudrait certainement m’opérer du genou et ranger dans la case des beaux souvenirs les merveilleux paysages que j’avais traversés... [8] Et là, quinze petits kilomètres avec un tout petit sac sur le dos et me revoilà devant la même histoire ! Comment vais-je marcher tout au long des 360 kilomètres que j’ai prévu de faire cet été ? Le lendemain, je ressors ma vieille genouillère et tout passe sans laisser de trace, sauf... la "Peur de ne pas pouvoir avancer"... sourde, qui reste blottie, là... Je crois que je ne prendrai que deux paires de chaussettes... La "peur de manquer", si elle est bien vivace aussi, a un "p" moins grand dans mon lexique personnel... Vraiment, ce Saint Jacques Matamore m’intrigue... Ce serait si facile de le repousser dans le pur domaine de la propagande politicienne revisitée sans scrupule par quelques dirigeants espagnols du Moyen Age jusqu’au XXe siècle ! Et, sans nier pour autant la réalité de l’interprétation ci-dessus [9] : s’il y avait autre chose à comprendre...? Quelque chose de méconnu à découvrir...? Et s’il fallait marcher dans cette direction-là aussi...? Si le Matamore nous indiquait en ce XXIe siècle qu’il nous faut, en nous-mêmes, transformer, transfigurer, "tuer" une foule de stéréotypes sur l’Islam...? J’aime laisser filer les grains d’un chapelet entre mes doigts et depuis bien des années, j’en fais collection. J’en ai des catholiques, de différentes sortes, des orthodoxes, des musulmans, des bouddhistes... Ils proviennent de bien des pays... J’ai choisi celui qui m’accompagnera sur le Chemin, il provient d’un pays arabe, il a 33 grains. J’y ai attaché la petite médaille de la Vierge que j’ai achetée lors de mon premier pèlerinage urbain. J’ai donné un nom à ce chapelet, je l’appelle en souriant "mon Saint-Jacques-La-Mecque". Et comme je projette de marcher dix-neuf jours cette année le seul livre qui prendra place dans mon sac sera celui qui est marqué du signe de ce nombre : le Coran [10]. |
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– L’illustration de Saint Jacques Matamore provient du site : http://blognacional.blogspot.com/.
[1] Extrait d’un dialogue du film "Saint Jacques... La Mecque" de Coline Serreau - 2005 [2] Pour composer ce trajet et tous les autres que j’effectue dans la capitale, j’utilise les services du site Mappy. En entrant deux adresses et en cochant la case "Piéton", on a un excellent topo-guide qui permet de découvrir des rues méconnues... [3] "Partir à Compostelle" de Laurent Denis aux éditions du Vieux Crayon. [4] Tous les documents que j’ai utilisés pour la préparation pratique sont rassemblés ici. [5] Extrait de "Compostelle : de la Reconquista à la réconciliation" de Gabrielle Nanchen aux éditions Saint Augustin - 2008. [6] "Les Jacques et le mystères de Compostelle" de Louis Charpentier aux éditions Robert Laffont - 1971 - épuisé [7] "Et ce pèlerinage de Saint-Jacques dut être, avant tout un pèlerinage de manuels en route vers la connaissance symbolisée par le labyrinthe, stylisé plus tard dans la croix ansée, le signe grâce auquel l’homme est accueillie chez les Dieux. En d’autres temps, ce signe deviendra le chrisme et le chrisme deviendra la Rose, la rosace, la rose dans la croix, mais la continuité n’en sera point rompue, pas plus que ne sera rompue la continuité d’utilisation des signes pétroglyphiques gravés dans les rochers de la Galice de Compostelle. Tout l’art des maîtres est d’avoir laissé cet enseignement dans des signes tels que la compréhension de leur signification est fonction de l’état de réception de l’élève et il est clair que c’est une des raisons de l’établissement des chemins initiatiques devenus pèlerinages." Louis Charpentier : "Les Jacques et le mystère de Compostelle" Robert Laffont - 1971 - Fin du chapitre IV [8] Pour la petite histoire, c’est un magnétiseur-rebouteux qui m’a soignée. J’y ai repensé avec émotion en visionnant le DVD ""Les guérisseurs, la foi, la science !" : un DVD à découvrir sans tarder !" [9] Réalité magnifiquement décrite, et transformée en un formidable message d’action et d’espoir par Gabrielle Nanchen, députée suisse, une "accro" du Chemin dans le meilleur sens du terme... Toute personne touchée par ces sujets aura à coeur de lire sans tarder son livre qui vient de paraître : "Compostelle : de la Reconquista à la réconciliation" aux éditions Saint Augustin - 2008. [10] On trouve sur le net de nombreuses pages sur les rapports qui existeraient entre le nombre 19 et la composition du Coran. Ceci est parfois très controversé dans les forums, mais cela me semble pourtant digne d’attention. Une page à consulter sur cette question : http://membres.lycos.fr/forumbismil... On comprendra, bien sûr, que j’ai recherché le plus petit exemplaire possible du Coran... Mais hélas, les traductions de ces exemplaires de poche s’adressent surtout aux personnes qui parlent l’arabe ou sont en train de l’étudier, et les traductions sont littérales et difficiles pour une débutante comme moi. J’ai donc longuement cherché une traduction en français qui soit à la fois proche du texte, reconnue par la communauté musulmane et compréhensible pour le néophyte. Mon choix s’est porté sur la traduction de D. Masson aux éditions Folio Classique. |
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