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Méditation sur un verset du Qôran
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Méditation sur un verset du Qôran
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"Ne cesserez-vous de vous construire des merveilles sur chaque colline afin de vous distraire ?" (Qôran) Nous sommes pèlerins, passant dans la vallée, empruntant une piste millénaire où, pourtant, chaque pas se fait sur un sol vierge : chaque nuit, le vent apporte sa provision de sable neuf du désert effaçant les traces de ceux qui passèrent devant nous, les ornières de leurs charrois, de leurs enlisements et de leurs victoires sur le sol qui les voulait prisonniers... Nous sommes des passants dans cette vallée bordée de loin en loin par des collines dont la hauteur protège nos bivouacs précaires. Quelquefois, nous les escaladons pour, de ce promontoire, inspecter au loin les méandres de la piste, surveiller, à l’horizon, ceux qui nous précèdent et planter quelque signe pour ceux qui nous suivent... Comment ne pas céder à l’ivresse de cette altitude ? Comment ne pas se croire plus grand puisque voyant plus loin ? Comment ne pas juger plus petite la caravane dont nous sommes issus, là bas, en bas, dans la vallée ? Grande est la tentation d’y édifier une cité qui nous tiendrait prisonnier par la fraîcheur de ses murs, ses couchants rouges dans le lointain. Une cité où les caravanes feraient haltes, nous contant leur voyage. Et, pendant que les pèlerins nous diraient leur route et nous demanderaient leur chemin vers demain, nous nous sentirions exempté de marcher, nous qui avons tant peiné pour construire cette ville. Nous oublierions ainsi pourquoi nous sommes venus là. Au soir de notre vie, au lieu de mourir sur le grand chemin où le vent pousse encore plus loin que n’auraient pu le prévoir nos rêves les plus fous, plus loin tous nos efforts de vivants, plus loin vers les étoiles de la nuit les quelques grains de poussières qui composèrent notre forme humaine, au lieu de nous disperser dans la Grande Unité qui recompose tout... au lieu de cela, nous irions pourrir sagement dans des caveaux stériles à l’abri des bêtes sauvages... Il restera, de ces prisonniers, un nom sur la pierre dure et froide, mais l’écho de la lumière aura perdu leur souvenir... Les collines sont des idées, les citadelles que nous y bâtissons, les dogmes, les prisonniers ceux qui prennent parti comme l’on prend racine, ou comme on habite une ville parce que l’on croit y être né, alors que l’on est frère du vent qui passe, fils de la lumière qui réchauffe, engendrés pour le chemin... Pourtant, il faut construire et assembler pierre à pierre cette margelle autour du puits avant que le sable ne le rebouche. Bâtir la cheminée pour abriter la flamme qui nous chauffera cette nuit et réjouira notre cœur. Construire ce pont pour que la route enjambe le torrent, construire cette digue qui protégera la piste. Mais s’il faut bien s’échanger contre ce peu d’ordre dans l’apparent chaos du désert. Gardons-nous de ce que l’œuvre de nos mains nous distraie de la route. Car nous sommes ici pour marcher, avancer sans cesse. Et si la muraille n’aide pas à la marche, si elle t’empêche de repartir au matin suivant, n’hésite pas à la détruire, fut-elle l’œuvre la plus précieuse, et pars sans te retourner. Il en est des murs comme de tout ce que nous avons acquis par notre travail ; seul le travail enrichit notre humanité. L’objet la fige et la rend pauvre. Car la seule richesse de l’humain se trouve dans son devenir, dans ses possibles à explorer. Tu as souffert vingt ans pour bâtir cette demeure et tu n’as d’autre désir que de te rafraîchir le soir venu à l’ombre de ta tonnelle. Tu oublies alors que chaque pierre posée t’a déjà payé comptant car elle t’a façonné dans l’instant où tu la façonnais. Cet échange était joie réciproque pour la pierre et pour ton cœur. Tu attends un supplément de salaire et, tourné vers ton attente tu oublies la piste, tu oublies de marcher à la rencontre de l’Homme en toi. "Au sommet de toute altitude voici que nos cavaliers s’arrêtent, face à face avec la Vérité." (Shaykh Ahmad al-Alawi) Passe et oublie les collines que tu as visitées ; elles ne sont que l’ombre de la Montagne vers laquelle tu te diriges. Car le but est la Montagne mais tu en ignores encore la fraîcheur qui est la fraîcheur de toutes les nuits résumées en une seule. Tu en ignores les sources vives qui inventent l’eau à chaque seconde, et chaque puits n’est qu’un reflet de cette eau que tu n’as encore jamais bue. Cette fraîcheur et cette eau justifient à elles seules toutes les fournaises de tous les midis. Cette montagne est la hauteur rassemblant en elle toutes les hauteurs de toutes les collines. Elle est l’Amour plus fort que l’amour de toutes les femmes, de toutes les mères. Elle est la Vie réunissant l’écheveau de toutes les vies éparpillées sur la surface des mondes... Sainte Montagne, tous les pas de tous les hommes qui marchent sont tournés vers Toi, mais tous ne le savent pas. |
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