Martin, jeune légionnaire
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Pour accéder au début de cette étude... Martin a vécu au IVe siècle au carrefour d’une Europe bousculée par ce que l’on nomme aujourd’hui les "invasions barbares", au cœur d’une Europe qui cherche une nouvelle identité religieuse et spirituelle. De la main de Martin, nous n’avons aucun écrit. Sa vie nous est connue par les récits de Sulpice Sévère, qui le rencontra en 393, quelques années avant sa mort, et recueillit ses souvenirs pour raconter - selon sa façon - l’épopée peu commune de ce grand personnage auquel il voue une admiration sans borne, ce qui lui fait parfois - selon les commentateurs les plus érudits - transformer quelque peu les faits et les dates pour que son héros soit plus conforme à ce qu’il pense être la plus pure orthodoxie. Durant notre étude, nous citerons bien sûr Sulpice Sévère - texte de couleur bleue - mais toujours avec prudence et lucidité. Martin est né à Savaria, en Panonie (actuelle Hongrie) en l’an 336 de notre ère. Sulpice Sévère laisse entendre que Martin serait né en 316. Aux côtés de Dom Guy-Marie Oury, moine bénédictin d’origine tourangelle, qui écrivit plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur saint Martin, nous préférerons ici la "chronologie courte" qui le fait naître plutôt en 336 [1]. Son père est militaire dans l’armée romaine et fier de l’être. C’est pourquoi il consacre son fils au dieu romain de la guerre, Mars, en le prénommant Martin. Il semble que très jeune, à Pavie (Italie) où réside maintenant sa famille, Martin soit en contact avec des chrétiens et qu’il soit sensible à leur message. Mais dès l’âge de 15 ans, il doit, digne fils de son père, être enrôlé dans l’armée romaine. C’est son devoir et il n’y déroge pas. Le voilà parti en garnison à travers la Gaule dont les frontières, depuis quelques décennies déjà, sont menacées par les "barbares". Martin naît sous l’empereur Constantin. En 313, celui-ci, par l’édit de Milan, a permis aux chrétiens d’exercer leur culte en paix. Le temps des grandes persécutions - Dèce, Dioclétien, ... - est achevé. Il est immédiatement remplacé par un temps de grandes dissensions internes au christianisme, celui des théories qui s’affrontent et des dogmes qui s’érigent. En 325, le Concile de Nicée condamne la doctrine du prêtre Arius et promulgue le dogme de la Trinité. Les adeptes d’Arius ainsi combattus se renforcent dans leurs convictions. A peine libres par rapport au pouvoir politique, les chrétiens commencent à s’entre-déchirer. C’est à Amiens que nous retrouvons la trace de Martin [2]. Il a 18 ans. Il accomplit son service dans la cavalerie de l’armée romaine. Une armée qui est très active à cette époque dans ses missions civilisatrices de constructions et de défense. Il est vraisemblable que Martin et sa garnison participent à l’édification de routes, de ponts, de fortifications... [3] Il s’agit de se défendre des attaques répétées des "barbares" francs et autres qui cherchent à gagner des territoires sur un empire romain qui n’est plus perçu comme invincible. L’armée abrite tous les corps de métiers. Durant toute cette période, et bien avant les grands chantiers du Moyen Age, les compagnons-bâtisseurs sont dans l’armée romaine. Et donc, sous la protection du chrisme, emblème chrétien, qui figure sur les étendards et les armes des soldats de tout l’empire depuis l’édit de Constantin. Est-ce pour cette raison que bien plus tard, le chrisme figurera en bonne place tout au long des chemins parcourus par les Compagnons vers le Champ de l’Etoile ? [4] Martin, jeune légionnaire, fait donc le rude apprentissage d’une discipline de fer au service de la civilisation telle qu’elle est conçue par Rome. Du côté des croyances, nombreux sont les cultes prisés à cette époque. A Amiens, les dieux du panthéon gréco-romain sont bien connus : Jupiter, Vénus, Mercure... mais aussi Isis, Cybèle et surtout Mithra qui est très en faveur au sein de l’armée. Selon son biographe, Martin qui n’est pas encore baptisé garde en son cœur le souvenir de l’enseignement de ses amis d’enfance chrétiens. Et c’est là, au début de sa vie de soldat que se situe le plus célèbre de ses gestes. Mais écoutons Sulpice Sévère : "Un jour, au milieu d’un hiver dont les rigueurs extraordinaires avaient fait périr beaucoup de personnes, Martin, n’ayant que ses armes et son manteau de soldat, rencontra à la porte d’Amiens un pauvre presque nu. L’homme de Dieu, voyant ce malheureux implorer vainement la charité des passants qui s’éloignaient sans pitié, comprit que c’était à lui que Dieu l’avait réservé. Mais que faire ? il ne possédait que le manteau dont il était revêtu, car il avait donné tout le reste ; il tire son épée, le coupe en deux, en donne la moitié au pauvre et se revêt du reste. Quelques spectateurs se mirent à rire en voyant ce vêtement informe et mutilé ; d’autres, plus sensés, gémirent profondément de n’avoir rien fait de semblable, lorsqu’ils auraient pu faire davantage, et revêtir ce pauvre sans se dépouiller eux-mêmes." (Sulpice Sévère) [5] C’est le geste de Martin le plus connu, le plus reproduit. C’est le symbole du partage, cette vertu qu’aujourd’hui encore nous pouvons méditer avec profit tant il semble que ce monde du IVe siècle soit proche du nôtre à bien des égards... Mais, est-ce bien tout ce qu’il y a à lire dans cette scène...? Et si le geste de Martin nous emmenait sur un tout autre terrain, beaucoup plus intérieur... |
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Les sites et ouvrages utilisés pour réaliser cette recherche sont cités ici : Documentation sur Martin de Tours Toutes les photos illustrant cette étude ont été prises par l’auteur. [1] Voir "Saint Martin de Tours, l’homme au manteau partagé" de Dom Guy-Marie Oury CLD éditons - 1987 - Avant propos. [2] Pour lire le récit de notre "enquête" sur saint Martin menée en la ville d’Amiens, consulter sur le présent site l’article : "Saint Martin à Amiens [3] Les villes à cette époque changent d’allure et s’entourent de fortifications ponctuées de tours et percées de portes. Voir sur cette question le site de l’exposition "Et Lutèce devint Paris" [4] Voir Henri Vincenot : "Les étoiles de Compostelle" et aussi Louis Charpentier : "Les Jacques et le mystères de Compostelle" [5] Pour lire l’ensemble du texte de Sulpice Sévère : http://livres-mystiques.com/ |
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