Les belles vertus de Sainte-Avoye
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C’est là que se trouvent trois des quatre belles vertus cardinales : la Tempérance, la Justice et la Prudence, sculptées sur l’un des plus magnifiques jubés de Bretagne. Ce jubé de style Renaissance est signé par le charpentier Bizeul. Il comprend trois éléments : une clôture, une tribune et une Crucifixion qui domine la tribune, représentant la Croix entourée de la Vierge et de Saint Jean. L’habitude de clore le choeur remonte en France au XIIème siècle et est apparue en Bretagne au XIVème. Il y eut jusqu’à 110 jubés en Bretagne. Le XVème et le XVIème furent la grande époque des jubés bretons. La tribune servait à proclamer l’Epître et l’Evangile, les sermons, les annonces aux fidèles. On y chantait les offices. Le lecteur commençait par une formule pour demander la bénédiction de l’officiant : "Jube, domine, benedicere" c’est à dire "Maître, veuillez me bénir". De ce premier mot "jube" est venu le nom donné à cette tribune. Le jubé de Sainte Avoye offre 12 personnages en pied sur chacun de ses côtés. Du côté des fidèles, sont représentés les douze apôtres. Du côté du chœur, les « belles dames » représentent les vertus, au nombre de sept : les trois vertus théologales (Foi, Charité, Espérance) et les quatre vertus cardinales (Tempérance, Justice, Prudence et Force), sont entourées : à gauche de Saint Fiacre et de Saint Laurent, à droite de Saint Yves (Patron des avocats) entouré du Client Pauvre et du Client Riche. La photo de l’énigme représente trois vertus cardinales. Vous pouvez apercevoir la quatrième vertu, la force (adossée à une tour) sur la photo d’ensemble des sept vertus. Sur cette photo d’ensemble, les sept vertus (les trois vertus théologales et les quatre vertus cardinales) ne sont pas représentées dans l’ordre auquel nous sommes parfois habitués à les citer. De gauche à droite, vous pouvez apercevoir la Foi, tenant une croix. Puis la Charité tenant un cœur, et l’Espérance, en attitude de prière. Puis la première vertu cardinale qui suit est la Tempérance qui met « de l’eau dans son vin ». Dans d’autres représentations, on la voit tenant un mors (pour freiner les passions), ou une horloge (pour souligner le rôle modérateur du Temps). La Justice, ensuite, est classiquement dotée d’une balance (qu’elle regarde attentivement) et d’un glaive (pour trancher). La représentation de la Prudence est plus singulière. L’iconographie nous habitue à trouver un serpent à ses côtés, et il est étonnant de la voir ici dotée simplement d’un miroir. Dans ce miroir, elle (se) réfléchit. Mais le miroir tenu de biais est aussi une sorte de rétroviseur : qu’il y a-t-il derrière les motivations de l’action que je m’apprête à entreprendre ? Et surtout, que m’apprend le passé ? Il peut être intéressant de comparer la Prudence du Jubé de Sainte-Avoye avec la version d’un artiste breton du début du seizième siècle, Michel Colombe, pour orner le tombeau de François II à la demande d’Anne de Bretagne. L’oeuvre figure dans la Cathédrale de Nantes. La Prudence de Michel Colombe tient dans sa main droite un compas (pour régler sa conduite et mesurer la portée de ses actes) et se regarde dans le miroir comme celle de Sainte Avoye. Mais pour renforcer l’idée du regard de mémoire, l’arrière de la tête de la jeune femme est constitué d’un autre visage, celui d’un vieillard à la longue barbe et aux rides marquées par l’expérience et la sagesse... La Force, située après la Prudence, s’appuie sur une tour. Le symbole est classique. Mais là aussi, Michel Colombe était allé plus loin dans la statuaire de son « tombeau de François II » en faisant sortir de la tour un dragon à qui la Force tord le cou. On songe aux lames du Tarot... Ces correspondances évidentes mériteraient une étude particulière et approfondie. Pourquoi les vertus de Sainte Avoye ne sont-elles pas représentées dans l’ordre auquel nous sommes parfois habitués ? La réponse est simple : les trois vertus théologales, les quatre vertus cardinales n’ont pas de hiérarchie entre elles. Elles existent simultanément. La Foi, l’Espérance et la Charité sont commencement et fin, but recherché et grâce accordée. Les quatre vertus cardinales sont les points cardinaux de notre vie morale. « Je chanterai les grandes Muses carrées, les Quatre Vertus cardinales orientées avec une céleste rectitude. » écrit Paul Claudel. Ces vertus morales ne sont pas distinctes les unes des autres. Comme le dit Saint Grégoire : « La prudence n’est pas véritable si elle n’est pas juste, tempérante et forte ; ni la tempérance, si elle n’est pas forte, juste et prudente ; ni la force n’est complète si elle n’est pas prudente, tempérante et juste ; ni la justice n’est véritable si elle n’est pas prudente, forte et tempérante ». À propos des vertus cardinales, Raymond Lulle enseigne au « fils du Soleil et de la Lune » : « Le Sage qui a su développer en son Ame ces Quatre Vertus cardinales est assuré, de par leur présence même, de voir se développer en lui Foi, Espérance et Charité... À leur tour, lorsque nos trois Principes supérieurs sont définitivement acclimatés en nous, ils s’empressent d’éveiller d’autres présences, celles des Puissances de la dyade suprême : Intelligence et Sagesse. Et à leur tour, ces deux grâces divines en éveillent une autre en nous : celle qui ne saurait être exprimée par des mots et des images. En cette dernière est toute la Béatitude promise aux élus, par elle, nous participons, créatures, à la Vie Divine ». |
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Les photos de Sainte-Avoye sont de l’auteur. Celle de la Prudence de Michel Colombe provient du site : http://nantescathedrale.free.fr/. |
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