Le triple visage de Rocamadour Réponse de l’énigme N°86
dimanche 20 mai 2012
par Dazur
La photo de l’Enigme N°86 a été prise dans la cité religieuse de Rocamadour. Plus exactement, dans la chapelle Saint-Blaise.
Sur ce roc sacré, haut-lieu de pèlerinage marial depuis le XIIe siècle, il y a sept chapelles ou églises :
la chapelle Notre Dame, bien sûr, où se trouve exposée la vierge noire de Rocamadour ;
l’église Saint-Sauveur, la principale en taille, celle qui fût élevée au rang de basilique ;
la chapelle Sainte-Anne, c’est la mère de la Vierge, on comprend sa présence ;
la chapelle Saint-Jean-Baptiste, le précurseur, l’annonciateur, comme le saint local qui vécut ici ;
la chapelle Saint-Michel, c’est le Prince des Anges, quoi de plus naturel qu’il soit honoré en ce lieu perché entre terre et ciel ;
la chapelle Saint-Amadour, c’est lui, le saint local, le Zachée de l’évangile, dit-on, qui le premier occupa ces lieux. Il est bien naturel qu’il ait une chapelle ici ;
et... la chapelle Saint-Blaise !
Tiens ! Celui-là, on ne le connaît pas... Oh ! Il y a tellement de saints ! Alors, celui-là ou un autre ! Il en fallait bien un dernier pour faire sept. Cela fait plus... mystique, n’est-ce pas ?
C’est vrai qu’il est un peu "à part", saint Blaise, dans cette petite équipe. D’ailleurs, il n’est que de regarder le calendrier et les dates qui ont depuis des siècles été attribuées à tous ces saints. [1]
Vous voulez que je vous en dise un peu plus ? D’accord ! D’autant que le dicton l’assure : "Devant saint Blaise, tout mal s’apaise !". Alors, pourquoi nous priver d’une telle rencontre !
Blaise naît en Arménie, à Sébaste, vers l’an 280. Il étudie la médecine. Il est si doux que parmi les chrétiens, il est rapidement élu évêque. Au moment des persécutions de Dioclétien, il se retire dans une grotte. Il est entouré de bêtes sauvages qu’il soigne et auxquelles il parle. Les hommes aussi viennent le voir. Il finit par être arrêté. En ville, il guérit un enfant qui a une arête de poisson fichée dans la gorge et qui va mourir. Plus tard, une femme vient lui dire que son porcelet a été enlevé par un loup. Il prie... et le loup rend le porcelet. Le gouverneur local veut le convertir au culte romain. Il fait pendre Blaise à un arbre et lui fait déchirer la peau avec des peignes de fer. Rien n’y fait. On le plonge alors dans un lac, lesté d’un poids. Il ne se noie pas. Le gouverneur le fait alors décapiter. Nous sommes le 3 février 316. On lui attribuera par la suite de très nombreux miracles.
Voilà ! C’est un saint parmi d’autres comme nous le disions tout à l’heure...
Non ! Pas vraiment. Ecoutons encore...
Saint Blaise est le seul évêque martyr d’Orient des premiers siècles qui figure encore dans la liturgie romaine. Il figure même parmi les 14 saints thaumaturges. Un dominicain du XVIe siècle écrivait : « Saint Blaise a été égal à Moïse, semblable à Aaron pour le pontificat, à Elie dans sa solitude, à Adam pour son ascendance sur les animaux, à Job pour sa patience dans les épreuves et le martyre, à Pierre qu’il imite en marchant sur l’eau, à la sainte Vierge par la puissance de sa prière et enfin à Paul car il fut décapité comme lui. » On lui attribue la devise : « Etre utile plutôt que présider. » [2]
Mais où cela nous entraîne-t-il donc ? Ce Blaise qui est vénéré à Rocamadour serait-il présent ici pour nous conduire sur le sentier d’une autre compréhension ?
Revenons à ce que les traditions nous ont laissé. Dans le nom de Blaise, il y a "blasen", le souffle en allemand mais aussi "bleiz", le loup en langue celte. Là, il aurait pris la succession du dieu slave, Vlaise, et ici, celle de Bélénos, l’Apollon gaulois, maître du soleil et du feu.
En Occident, son culte arrive dès le VIIe siècle mais il se développe et se répand un peu plus tard grâce aux bénédictins de Cluny, grands voyageurs. Partout, il reprend une légende locale : au Danemark, il est dans la légende des souffleurs de tempêtes ; chez les Celtes, c’est la réincarnation d’un dieu-loup. Dans les légendes de la Table ronde, il est l’ermite Blaise qui guide Merlin vers le château du Graal. [3]
On le représente avec les cierges croisés de la bénédiction des gorges, rituel particulier de protection accompli par l’Eglise le jour de sa fête uniquement. On le voit généralement vêtu en évêque et parfois avec des peignes à carder posés à ses pieds. [4]
En Espagne et au Portugal, on le voit la main sur la gorge, en un signe qui a été repris par certaines traditions. Il est souvent accompagné d’un loup.
Saint Blaise est fêté le 3 février, en ces jours qui sont à eux seuls un incroyable "carrefour traditionnel". On y trouve :
la fête celte d’Imbolc, célébration de la sortie de l’hiver et du retour progressif à la lumière.
sainte Brigitte qui est venue prendre la place de Bridget, la déesse du feu.
et c’est là que le calendrier de l’Eglise a situé la fête de la Purification de la Vierge car nous sommes au 40e jour après Noël ;
là encore qu’à Rome, dans l’Antiquité, on célébrait la fête des Lupercales (ou des Louves)
et pour fêter tout cela, on fait des crêpes : rondes comme le soleil de Bélénos !
Et si Blaise était célébré ici pour être le pont - discret - entre la religion chrétienne et les traditions anciennes ; s’il était le signe trois fois révélé pour que l’oubli jamais ne prenne corps, la clef pour ouvrir clair le regard du cherchant respectueux sur les mondes alentour ?
Triple est le visage qui figure dans sa chapelle. Triple est le signe qui est sur la Porte. Triple, comme le tribann des Druides, ces Anciens qui savaient le langage des rochers et celui du bruissement des arbres, la compagnie des elfes, des gnomes et des ondines... [5]
Blaise a guéri l’enfant qui s’étouffait avec le Poisson et en son nom, on bénit les gorges. Gorge-Garg : il est ici présent en lieu et place de Gargantua, le géant séculaire, bienveillant champion de nos terroirs, le Gardien...
Là où vous rencontrez saint Blaise : ouvrez vos yeux, ceux de l’intérieur ; déployez vos oreilles, celles qui des sphères perçoivent la musique et mettez-vous à l’unisson du Cœur...
Ouvrez grand votre âme aux messages du Vent, du Souffle, du Verbe...
Tel est le silencieux message de saint Blaise aux pèlerins de Rocamadour...
Merci Dazur , j’ai suivi tes conseils et ce matin seulement j’ai bu avec délice et je me suis « régalée « avec ton article sur Saint Blaise.C’est nourrissant pour l’âme et comme le souligne une personne , saint Blaise est le saint du jour d’après et le jour d’après est un autre jour
Mes vacances ont commencé cette année par un pèlerinage à Rocamadour où j’ai pu voir toutes les chapelles, sauf... Saint-Blaise, fermée pour cause de fête d’enfants. J’ai fini par rire de ce jeûne imposé. Tout était si beau, si fort, si exigeant aussi. Un haut lieu. Un vrai.
3 février, mais la plupart des fêtes citées commençaient le 2 février. Il est donc le saint du lendemain : si la fête représente l’ouverture d’un temps, celui du lendemain en accomplit la révélation. Ce n’est sans doute pas un hasard si le confident et conseiller de Merlin se nomme Blaise chez Robert de Boron.
Parmi les fêtes du 2 février, notons celle de l’ours, censé s’éveiller ce jour là de son sommeil hivernal. Ce qui ferait donc de Blaise l’ermite un ursidé à l’instar du roi Arthur.
Mais c’est passionnant tout cela ! Je reconnaissais le Blaise qui a pris la place de Blez, mais pas avec tous ces détails, et en plus les photos magnifiques. En effet, nous avons été d’une grande patience mais j’ai entendu un grand Monsieur dire il y a plusieurs années : Patience, Lumière, Illumination...
Quant à moi avec mille regrets il me semble que je ne pourrai jamais visiter Rocamadour...mes jambes ne suivent pas...
Mais si ! Pas de jugements hâtifs ;-) Si vous passez à proximité : arrêtez-vous à Rocamadour ! Un ingénieux système de discrets ascenseurs permet d’aller d’un niveau à un autre sans fatigue (contre quelques euros). Toutes les infos sont ici : http://www.rocamadour.com/ et en attendant, un coup d’œil sur la splendide vidéo qui ouvre le site officiel du lieu s’impose : http://www.rocamadour.com/fr/
Ah bon ! Cela change tout : jamais personne ne m’en a parlé ! Alors là super, merci du renseignement, comme ça je ne serai pas obligé de passer faire trempette à Lourdes avant d’aller à Rocamadour...