« Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur »
(Math 11,29)
Approchez vous. Sentez-vous battre mon cœur ? Il est là au cœur de ma poitrine, calme et discret. Il nous faut faire preuve d’une attention précise pour entendre ses battements si réguliers qu’ils nous paraissent inaudibles.
Aussitôt que nous prêtons attention à lui, une couleur est présente à notre esprit : rouge, rouge sang. Quelle merveilleuse prouesse accomplit le cœur recevant des poumons un sang pur et vivifié, immédiatement propulsé vers la tête et le corps tout entier en un lourd battement puissant suivi d’un repos prolongé. Puis un second battement plus léger, le sang ayant accompli son périple est renvoyé vers son origine pour se recharger, nouveau repos rapide avant un autre don à ce cycle parfait.
Qu’il s’arrête ? Et il en est vite fini de nos joies et nos peines. Un choc physique, une contrariété trop forte, il est alors tétanisé, il faut vite le soulager, lui apporter détente et réconfort. Mais alors, serait-il également sensible à des perceptions d’un autre ordre que celui propre au domaine musculaire ? Quel est ce lien subtil qui le fait battre plus vite à l’approche d’un moment attendu, à l’arrivée de la personne aimée, au regard entendu d’un désir partagé ?
Serait-il le siège de perceptions provenant d’un état différent de notre constitution physique, comme entouré d’un champ vibratoire, permanent, indispensable à la vie ; en quelque sorte animant nos cellules et maintenant le tout dans un échange constant telle l’âme personnalité, vraie créature humaine à l’image d’un dieu créateur. Ainsi, suivant les élans du cœur vers l’autre, complément de notre être, nous l’aimons, nous oubliant nous-même, et entrons en communion avec le « coeur centre » siège secret du véritable Amour révélateur de la lumière divine.
Le coeur contient tout, et tout palpite en lui, rien qui ne demeure en son sein !
Du petit caillou oublié dans un coin de jardin à la super nova, en passant par le cerveau embrumé d’une âme oubliée d’elle-même dans les méandres des bas fonds de la pensée, Maîtres sublimes et mouches se repaissant d’excréments, tout bat au rythme du coeur, tout s’enfante, se rêve, s’oublie et se souvient au creux de ce même coeur.
Centre sans extérieur, tu peux le chercher au bout du monde, courir chemins et rivières, ce que tu cherches ne te quitte pas, il est le chemin que tu empruntes, le pied qui s’y pose, le pèlerin que tu rencontres, le ciel sur ta tête et l’oeil qui le contemple.
Ami, ce coeur qui bat dans ton poitrail, qui bat au rythme infini de la vie la même pulsation que la plus lointaine étoile, que la terre qui te porte, que ce passant qui t’ignore et que tu crains, ce coeur de chair te rappelle ta demeure, d’où jamais tu ne partis, et dont le monde entier est le reflet.
Il se présente comme un soleil rayonnant, irradiant sa lumière royale dans le domaine, et chacun vénère sa bienveillante majesté. Mais en secret, il s’y trouve une merveilleuse grotte, sombre et chaude, calme et sereine, tu peux t’y reposer comme un petit enfant. Elle enfantera ton ressouvenir et dénudera ta conscience. Dans la sublime clarté de la nuit primordiale, sans quitter ta station originelle, tu pourras contempler les mondes infinis, les êtres sans nombre, tous palpiterons au même rythme que toi, au rythme sublime du coeur unique.
"Le Coeur est Tout"
(William Beckford)