Bonjour. Que me vaut ta visite ?
C’est que j’ai à me plaindre ! Voici des jours que je jeûne en vain. Certes la crise de foie d’après les fêtes est passée mais je me sens si lourd et si chargé. L’angoisse, le découragement, toujours m’oppressent. La peur aussi de ce qui peut advenir. Oh, mon Dieu, j’ai les foies ! Et voici que tout m’est agression et la moindre contrariété me donne la jaunisse. Jaune pourtant est la lumière du soleil qui éclaire et réchauffe. J’ai froid.
Ainsi, tu as jeûné ? Fort bien. Félicitations. Et ça ne va pas mieux ? Ah, bon ? Jeûne encore, ou bien, cherche.
N’ai-je pas assez jeûné et même cherché aussi ? Quel livre n’ai-je pas lu et étudié ? Où ne suis-je pas allé ? Combien de séminaires n’ai-je pas suivis ? A quelle école ne me suis-je pas assis ? Je puis sur toutes choses vous faire conférence.
Ah ! Voilà qui est fort beau. Tu t’es donc bien rempli, nourri des belles écritures, tes yeux ont tout vu, tu as tout bien étudié et analysé. Te voilà donc savant ! Vraiment, très bien !
Comment très bien ! Vous moquez-vous ? Plus que jamais je me sens triste et même désespéré. Mes plus sûres croyances s’effilochent et s’envolent. Ce que je tins pour vrai ? Illusions, fantasmes. Des beautés que j’ai lues ne puis rien éprouver. Chaque pas me coûte et le poids à lever pour chaque pied m’est supplice. Rien de ce qui me plût ne me fait plus envie. Ne sais même plus vers où porter ces pas. Vraiment, très bien ?
Ah, bon ! Et si tu essayais... le jeûne de la pensée...
Jeûner, encore jeûner !
C’est que... mon annulaire me dit...
Soit, je n’ai rien à perdre à essayer. Adieu.
Adieu.
Bienvenue. Aurais-tu à te plaindre ?
Non. Je veux, je veux... je veux savoir Dieu.
Tiens donc, te revoilà croyant ?
Comme j’étais au jeûne et du ventre et de l’intellect - soit dit en passant le mental est têtu et bavard, jamais je n’ai pu le réduire au silence - me revint en mémoire le foetus que je fus. Or, dans ces premiers jours de ce temps-là, foie et cœur ne faisaient qu’un juste devant les deux yeux. Depuis chacun a pris une place bien à lui, qui à la tête, qui à la poitrine et l’autre au ventre. J’ai mis au jeûne le ventre et puis la tête, mais quoi du cœur ? Me fallait-il jeûner de tous ceux-là que j’aime ? Je ne pus m’y résoudre et choisis d’y placer ma conscience toute entière. Et voici qu’un embrasement me prit où furent confondus cœur, foie, vue, croyances, savoirs, pouvoirs, volontés....
Contre toute raison, aujourd’hui je crois.
Oui, je crois que la Lumière que je perçus est Réalité, que cette Réalité est Esprit, Amour et qu’en moi en est un petit quelque chose, dont je suis responsable.
Cette Foi-là, m’est absolue certitude.
Ainsi donc, tu veux savoir Dieu ? Nourris-toi.
Pardon ?
Nourris-toi... juste de ce qu’il faut pour ce qui est du ventre, pas trop non plus pour l’intellect, tu en sais bien assez. Mais que ton cœur se donne sans rien attendre en retour. Mets tes mains, ton intellect au service de l’autre, des autres, de tous les autres. Ne mesure pas, laisse ta Foi faire le bon poids et lorsque le doute revient, contacte ce don de Lumière que tu reçus. Et... Patience.
Alors, merci la crise de foie ? Ma foi, oui. Merci.
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